La CEDH condamne la France pour les « lacunes » de son cadre juridique relatif au consentement
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La Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France, jeudi 4 septembre, pour avoir « manqué à ses obligations positives, qui lui imposaient d’instaurer des dispositions incriminant et réprimant les actes sexuels non consentis et de les appliquer de façon effective ».
La cour a considéré qu’il y avait eu violation des articles 3 (interdiction de la torture) et 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’homme dans le cadre de l’affaire du pharmacien accusé d’avoir imposé des relations sadomasochistes non consenties à sa collègue.
La plaignante avait porté plainte en 2013 en France pour « viol avec torture et actes de barbarie par une personne abusant de son autorité », « violences physiques et psychologiques » ainsi que pour « harcèlement et agression sexuels ». Après une condamnation en première instance pour violences volontaires et harcèlement sexuel, le prévenu avait été relaxé en 2021 par les juges de la Cour d’appel de Nancy, qui avaient estimé que la signature d’un contrat entre les deux protagonistes visant à régir leur relation revenait à considérer que celle-ci était consentie.
Après épuisement des voies de recours internes, la plaignante a saisi la CEDH, qui s’est prononcée aujourd’hui en soulignant les « lacunes du cadre juridique » ainsi que « des défaillances rencontrées lors de sa mise en œuvre », citant notamment « l’exclusion des atteintes sexuelles dénoncées par E.A. du cadre de l’enquête », le « caractère parcellaire des investigations », « la durée excessive de la procédure » et les « conditions dans lesquelles le consentement d’E.A. a été apprécié par les juridictions ».
Dans sa décision, la CEDH a souligné que « le consentement doit traduire la libre volonté d’avoir une relation sexuelle déterminée, au moment où elle intervient et en tenant compte de ses circonstances ».
La requérante se verra verser, par la France, la somme de 20 000 euros au titre du dommage moral et 1 503,77 euros pour ses frais de justice.
Dans sa décision, la Cour a également fait droit à la demande de l’avocate de la requérante, qui souhaitait que la France soit condamnée pour « victimisation secondaire ». En effet, les juges ont considéré que, « en opposant à E.A. la signature de ce document, la cour d’appel de Nancy l’a exposée à une forme de victimisation secondaire, un tel raisonnement étant à la fois culpabilisant, stigmatisant et de nature à dissuader les victimes de violences sexuelles de faire valoir leurs droits devant les tribunaux ».
Retrouvez la décision de la CEDH ici.