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La nécessaire refonte des prud’hommes

Des délais de jugement passés de 13,5 mois en 2010 à 15,6 en 2013 ; un taux d’appel de 64%, contre 18% pour les TGI et 15% pour les Tribunaux de commerce, composés eux aussi de magistrats non-professionnels ; 50% des jugements réformés partiellement et 21% réformés totalement en appel, avec des délais passés de 14,6 mois en 2010 à 17,2 en 2013. Comme le montrent ces statistiques issues du rapport Lacabarats de juillet 2014, les prud’hommes connaissent une crise menaçant l’existence de cette justice de proximité professionnelle. Trois de ses spécificités sont en question.

D’abord, ces juges élus qui devaient hier appliquer les usages et permettre aux protagonistes de travailler ensemble doivent aujourd’hui utiliser un Code du travail comptant 9 980 articles, apprécier la licéité des multiples dérogations par accord collectif, et interpréter des sources supranationales. De ce fait, une formation obligatoire, et commune aux deux collèges, s’impose. Le paritarisme est également en cause. Le taux de départition par un juge professionnel, lorsque les prud’hommes se divisent, est en nette augmentation (21%) ; à Paris, une affaire sur trois se termine en départage, les délais de jugement passant alors de 15 à 30 mois. Enfin, marque de fabrique de ce juge de paix, la conciliation préalable semble ineffective. En 1930, 80% des affaires étaient conciliées contre 9 % en 2000 et 5,5% en 2013. Rien de surprenant lorsque l’essentiel du contentieux est aujourd’hui celui du licenciement pour motif personnel, avec sa volonté « d’aller jusqu’au bout ». Si on ajoute un taux de cassation passé de 37% en 2008 à 51% en 2013, contre 26% pour la Chambre commerciale, c’est toute la chaîne de la justice du travail qui est en cause.

Pour sortir de cette situation, il importe de continuer à déjudiciariser les relations de travail, à l’instar de la rupture conventionnelle à l’exceptionnel succès, ou des plans de sauvegarde de l’emploi négociés et validés par l’autorité administrative depuis 2013. Pour les TPE et PME vivant l’assignation aux prud’hommes comme un affront, créer par exemple des commissions locales de médiation, qui existent déjà dans certaines branches. Ensuite, rendre le contentieux moins imprévisible avec des procédures rapides à barème prédéterminé : généreux si l’on veut qu’il fonctionne, il éviterait aux entreprises l’aléa des recours, des délais, permettant aussi d’uniformiser les indemnisations. Enfin, il serait bienvenu de mixer culture juridique et culture d’entreprise, avec l’échevinage au niveau des prud’hommes. Certes rejetée par les partenaires sociaux, cette présence d’un magistrat professionnel supprimerait le départage et assurerait des jugements mieux rédigés, avec sans doute moins d’appels et de pourvois. À l’instar du Conseil d’État encourageant ses membres à partir se frotter à la (vraie) vie administrative, on pourrait élargir le recrutement extérieur de professionnels d’entreprise au niveau des Cours d’appel et de la Cour de cassation.

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Jean-Emmanuel Ray

Jean-Emmanuel Ray

Professeur émérite de l'Ecole de Droit de la Sorbonne
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