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Pourquoi les femmes quittent plus souvent la profession d’avocat que les hommes

Une certaine égalité demeure au cours de la première année d’exercice, mais les écarts se creusent pour atteindre une différence allant du simple au double à la 7ème année d’exercice.

Le 1er décembre 1900, une femme prêtait serment pour la première fois en France. Depuis, la profession n’a cessé de se féminiser, si bien que les avocates représentent aujourd’hui plus de la moitié de ses effectifs.

Le rapport rédigé par Me Kami Haeri, à l’attention du Ministre de la justice le 2 février dernier, destiné à mener une réflexion quant à l’avenir de la profession d’avocat, a été l’occasion d’effectuer un état des lieux de la place des femmes en son sein, aussi bien en France qu’à l’international.

Le constat d’une féminisation toujours plus importante de la profession…

La profession d’avocat est la seule parmi les professions juridiques et judiciaires règlementées à compter en son sein une majorité de femmes. En effet, le rapport Haeri chiffre à 55,1%, la proportion de femmes avocates, soit une augmentation de près de 7 points depuis 10 ans. Cette proportion a d’ailleurs vocation à croître puisque 70% des élèves fréquentant l’école d’avocats sont également des femmes.

Cette féminisation de la profession intervient dans une dynamique globale qui concerne également les partenaires et interlocuteurs des avocats, qu’il s’agisse des directions juridiques d’entreprises (75% de juristes féminines à l’avenir), ou de la magistrature (80% de femmes au sein des effectifs de l’ENM). Les avocates évoluent également dans des filières dites rémunératrices, puisqu’elles y représentent 40% des effectifs selon une étude du Cercle Montesquieu[1]. De même, la proportion de femmes exerçant à temps plein est de 96%.

Le rapport Haeri permet ainsi de constater que la répartition des femmes avocats, en matière de spécialisation ou de temps de travail est en apparence égale à celle de leurs confrères masculins. Néanmoins, cette relative égalité de répartition entre hommes et femmes selon les secteurs d’activité, ne trouve pas à s’appliquer sur le plan des rémunérations.

…et un phénomène de mobilité plus marqué chez les femmes

Si une certaine égalité demeure au cours de la première année d’exercice, il semble que les écarts se creusent les années suivantes pour atteindre une différence allant du simple au double à la 7ème année d’exercice. A titre de comparaison, l’écart ne serait que de 7 à 14% au sein des services juridiques en entreprise[2], et de 19% dans la société française.

Le « Baromètre de la mixité » réalisé par Le Cercle Montesquieu soulève que « les femmes représenteraient seulement 24,5% des associés en 2013 », chiffre qui peut même descendre jusqu’à 10% dans certains cabinets. Parallèlement, la proportion de femmes collaboratrices au sein des effectifs des cabinets ne cesse de croitre (plus de 60% des effectifs)[3].

Dans le même sens, une étude menée en 2016 par Juristes Associés révèle que 83% des avocates sont collaboratrices contre seulement 17% d’associées, dans le secteur du droit des affaires[4]. A la lumière de telles observations, le rapport interroge les causes des écarts plus que significatifs entre hommes et femmes. Ceux-ci ne trouvent aux yeux du rédacteur, aucune justification. En effet, selon le rapport, aucune disparité de situations ne saurait justifier des écarts aussi significatifs, que ce soit en matière de spécialisation ou de temps de travail.

Un phénomène internationalement constaté

La National Association of Women Lawyers révélait que seulement 17% des avocates américaines étaient associées (equity partner) dans un grand cabinet en 2014, alors qu’elles représentaient 40% des effectifs de la profession[5]. Une tendance identique est constatée chez nos voisin allemands, puisque les avocates n’y représentent que 5 à 15% des associés au sein des cabinets interrégionaux[6].

Pareillement, en Australie, une étude menée par le Barreau national soulève que seul 11% des femmes accèdent à une place d’associé contre 23% des hommes.[7]

Ces disparités ne sont pas sans conséquences. Le rapport Haeri ainsi que ces enquêtes internationales, révèlent des mouvements et départs plus nombreux parmi les avocates. Les chiffres apportés par le CNBF (Caisse Nationale des Barreaux Français) permettent d’étayer cette constatation : « 76% d’hommes ayant prêté serment en 1996 sont toujours avocats vingt ans plus tard, contre seulement 63% des femmes ».

A la sortie de l’école d’avocat, les femmes quittent la profession plus rapidement que leurs confrères en moyenne : parmi les départs, 20% des femmes ont quitté la robe seulement 5 ans après leur intégration contre 7 ans pour les hommes. Dans ce sens, cette volonté de départ est présente chez les avocates en exercice qui sont 43% à envisager un départ contre 31% des hommes.

Afin de comprendre les raisons, les parcours, les attentes des avocates, des initiatives voient le jour au sein des cabinets d’avocats[8], et des organisations internationales[9].

De la nécessité d’une « symétrie des attentions »

De telles constatations mettent en exergue la nécessité pour la profession d’avocat de prendre en considération la féminisation galopante de ses effectifs.

Afin de souligner l’importance pour les avocats d’intégrer les évolutions sociétales au cœur de leur management, le rapport Haeri met en avant le concept de symétrie des attentions. Il s’agit d’un concept élaboré en 2007 sous la plume de Benoît Meyronin et Charles Ditandy, selon lequel la qualité de « la relation entre une entreprise et ses clients est égale à la qualité de celle qu’elle entretient avec ses collaborateurs »[10].

En d’autre termes, la symétrie des attentions établie une corrélation entre les performances d’une société et son mode de management, notamment de ses collaborateurs. C’est au regard de cette notion que le rapport Haeri dresse le constat d’un décalage entre « la performance et les engagements affichés par les avocats à l’extérieur du cabinet d’une part, et l’application de ces principes en son sein d’autre part ».

Isabelle Eid, Avocat Counsel, DLA Piper France[11], Partenaire du Club des juristes

[1]http://www.cercle-montesquieu.fr/global/gene/link.php?doc_id=2015154610_classement-parite-decideurs-mars2015.pdf

[2] Etude de l’AFJE sur la rémunération des juristes d’entreprise de 2016, p.4

[3]http://www.cercle-montesquieu.fr/global/gene/link.php?doc_id=2015154610_classement-parite-decideurs-mars2015.pdf

[4] Bulletin Juristes Associés, n°459, 6 janvier2017

[5] Ibid

[6] Bulletin spécial Femmes au Barreau de Paris, mars 2013

[7] National Attrition and Re-engagement Study (NARS) Report, p.1, www.lawcouncil.asn.au

[8]Sondage DLA Piper Women in law, 8 mars 2017 : https://www.dlapiper.com/fr/france/news/2017/03/lancement-du-sondage-dla-piper-women-in-law/

[9] Questionnaire lancé par l’IBA, www.ibanet.org

[10] Jean-Jacques Gressier, Du management au marketing des services, 3ème édition, 2015, Dunod

[11] Membre du Leadership Alliance for Women, DLA Piper, et coordination de l’enquête DLA Piper « Women In Law » https://www.dlapiper.com/fr/france/news/2017/03/lancement-du-sondage-dla-piper-women-in-law/

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