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Pratiques religieuses en entreprise

Excellente initiative que la publication prochaine d’un « guide pratique du fait religieux dans l’entreprise privée » par le Ministère du Travail. Car l’immense majorité des salariés souhaite « avoir la paix » avec ses collègues sur ces questions si personnelles faisant sur-réagir car touchant à des convictions profondes: un droit à l’indifférence, en forme de protection du collectif de travail. Or nombre de managers se sentent fort dépourvus face à une revendication religieuse, avec parfois menace de plainte en discrimination. Dans les groupes mondiaux enfin, notre « laïcité » aujourd’hui unique au monde provoque aussi de rudes discussions, causant quelques soucis à nos expatriés.

La loi du 8 août 2016 a in extremis ajouté l’article L.1321-1: « Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés, si ces restrictions sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise, et si elles sont proportionnées au but recherché ». Cette métamorphose de la laïcité dans les services publics en neutralité dans le secteur privé est habile. Mais franchira t-elle l’épreuve d’une question prioritaire de constitutionnalité (ex : convictions syndicales ou politiques), et a fortiori d’un contrôle judiciaire de conventionnalité ? Même si, comme le constate notre collègue Alain Supiot, « la laïcité est le principe sous l’égide duquel des personnes de confessions différentes peuvent constituer une communauté politique, laquelle ne se réduit pas à «vivre ensemble». Elle n’est pas en effet un troupeau d’individus munis des mêmes droits, mais suppose le respect de la loi commune qui garantit l’exercice de ces droits (…). Cette question de la constitution d’une communauté politique se pose aussi dans l’entreprise ».

Mais avant de se lancer dans la lourde opération qu’est la révision d’un règlement intérieur, attendons un peu. Car la CJUE est saisie d’une question préjudicielle transmise par notre Cour de cassation le 9 avril 2015 à propos d’une ingénieure d’études ayant refusé de retirer son voile. Prévu pour la fin de l’année, son arrêt s’imposera aux si divers 28 Etats-membres.
Dans ses conclusions du 13 juillet 2016, l’avocate générale Sharpston constatait d’abord que « le prosélytisme n’a pas sa place dans le cadre du travail. Il est légitime pour l’employeur d’édicter des règles l’interdisant pour créer des conditions de travail harmonieuses pour son personnel ». Mais concluait néanmoins à la discrimination: « l’intérêt de l’entreprise à produire un profit maximal doit s’effacer devant le droit du travailleur à manifester ses convictions religieuses. La consigne de ne pas porter de foulard lors des contacts avec la clientèle ne peut (…) constituer l’exigence professionnelle essentielle et déterminante » évoquée par la directive 2000/78.

Une société d’individus ?

Jean-Emmanuel Ray

Jean-Emmanuel Ray

Professeur émérite de l'Ecole de Droit de la Sorbonne
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