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Expertise indépendante

Pression accrue sur les conseils d’administration

En droit boursier, l’expertise indépendante est la procédure consistant, pour une société cotée, à désigner un expert indépendant à l’occasion d’une opération de marché la concernant, afin qu’il en évalue librement les conditions financières.

En pratique, cette procédure se traduit donc par l’intervention d’un expert qui apprécie le caractère équitable du prix proposé sous la forme d’une attestation d’équité, après avoir procédé à une évaluation financière de la société concernée.

Ayant pour objectif d’éclairer l’ensemble des parties prenantes (le conseil d’administration de la société, ses actionnaires et le régulateur boursier), l’expertise indépendante est un dispositif clef pour la protection des actionnaires minoritaires à l’occasion d’opérations complexes ou porteuses de conflits d’intérêts.

Parmi celles-ci, le retrait obligatoire est sans doute celle qui cristallise le plus d’enjeux. Il s’agit en effet de la procédure boursière qui permet à un actionnaire ultra-majoritaire de contraindre les minoritaires à lui transférer leurs titres aux conditions de prix qu’il offre, en vue du retrait ultérieur de la société de la cote. Parce que le retrait obligatoire aboutit à une forme d’expropriation des minoritaires, la contrepartie versée doit ainsi faire l’objet d’un contrôle étroit, afin d’assurer une indemnisation juste et équitable : l’avis de l’expert indépendant joue à cet égard un rôle décisif.

La Loi Pacte du 22 mai 2019 venant d’assouplir les conditions de déclenchement du retrait obligatoire, l’Autorité des Marchés financiers (AMF), soucieuse d’éviter que cet assouplissement ne se fasse au détriment de la protection des actionnaires minoritaires, a engagé une réflexion pour améliorer la réglementation et les pratiques de l’expertise indépendante.

L’intérêt de cette réflexion dépasse toutefois le seul cadre du retrait obligatoire. La généralisation du recours à l’expertise indépendante, y compris en matière d’offre publique, s’est en effet accompagnée d’une remise en cause croissante, les conclusions rendues par les experts indépendants étant de plus en plus critiquées.

Contestation de la méthode suivie par l’expert, critique de ses conclusions, recours à des contre-expertises : l’expertise indépendante risque fort, si rien n’est entrepris pour en restaurer la portée, de manquer son but, qui est d’apporter des éléments indiscutables afin de rationaliser la prise de décision – que ce soit celle des organes de gouvernance ou celle des actionnaires.

À cet égard, le groupe de travail constitué par l’AMF vient de proposer quelques pistes d’amélioration.

Un premier ensemble de propositions porte ainsi sur les conditions d’intervention de l’expert indépendant. Amélioration du processus de désignation, mise à disposition des moyens nécessaires pour l’accomplissement de sa mission, adaptation de sa rémunération, l’objectif est de mieux asseoir encore la légitimité des conclusions de l’expert.

De manière plus originale – et symptomatique -, un second ensemble de recommandations vise à replacer le conseil d’administration, et notamment ses administrateurs indépendants, au centre du dispositif.

L’expert indépendant ne saurait en effet se substituer au conseil d’administration, dont on sait qu’il doit, en matière d’offre publique, donner un avis motivé sur l’intérêt de l’offre : le conseil seul a la responsabilité de se prononcer sur cette question, au vu notamment des conditions financières proposées et du rapport de l’expert indépendant.

Dans ce contexte, les propositions du groupe de travail visent à faire en sorte que le conseil joue pleinement son rôle : elles portent notamment sur le renforcement du suivi des travaux de l’expert par le conseil et, en particulier, ses administrateurs indépendants, une meilleure prise en compte des observations des minoritaires et l’amélioration de l’avis motivé du conseil, l’objectif étant de rompre avec une pratique considérée comme trop formelle se traduisant par des « formulations quasi-rituelles »,

La réforme proposée rappelle ainsi que l’expertise indépendante n’est jamais qu’une technique au service du conseil d’administration, qui est le lieu véritable où doivent se peser et s’arbitrer, à l’occasion d’une opération boursière, les intérêts souvent contradictoires – ce qui ne doit pas signifier conflictuels – de l’ensemble des parties prenantes.

Par Christophe Perchet, avocat associé, Davis Polk & Wardwell LLP, expert du Club des juristes et Jean-Christophe Devouge, avocat, Davis Polk & Wardwell LLP, partenaire du Club des juristes.

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Christophe Perchet

Managing partner, Perchet Rontchevsky & Associés
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