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Vous pensez digital, dites droits !

Aucun Etat, aucune industrie, ne peut s’exonérer du droit pour prospérer. La sécurité juridique est une condition à l’efficacité des marchés. Avec la montée en puissance du numérique, cela est encore plus vrai. Si le volume des données échangées augmente de manière vertigineuse, la quantité de données perdues augmente aussi. Il était aisé de protéger des données confinées au sein de l’entreprise. L’essor des réseaux, du cloud et des appareils mobiles compliquent les choses. La donnée est projetée au cœur de l’économie. Elle est géopolitique comme d’autres flux : eau, pétrole, gaz, électricité. Le coût des pertes de données, estimé à 30 milliards par an en France, est prohibitif.

La priorité est de résoudre « définitivement » l’insécurité juridique des échanges dématérialisés et permettre la e-administration, la e-justice et la contractualisation en ligne en supprimant la fraude à l’identité. A l’heure où les legaltechs élargissent le marché du droit et où la réforme pour la justice au 21e siècle accroît son accès, la question de l’identité numérique doit être résolue de façon certaine, irrévocable, et, puisque Internet et le commerce ne connaissent pas de frontière, supranationale.

Le sujet n’est pas nouveau mais il est urgent de trouver des solutions. L’identité est juridique ou n’est pas. Elle relève du droit de la preuve qui, suivant les Etats, prend plus ou moins en compte la dématérialisation. Dans l’urgence on pourrait intégrer la pratique dans le cadre juridique. Mais comment accepter un consentement à géométrie variable au regard des offres de signature avec une, deux ou trois étoiles ? Tant que la véritable identification de la personne laisse place à une simple authentification, la protection juridique n’est pas la même.

Le droit demeure le meilleur instrument de défense de la vie privée, du secret des correspondances et des affaires, de la sauvegarde de l’immatériel et des savoirs faire des entreprises. Alors pourquoi ne pas intégrer l’empreinte digitale dans la personnalité juridique, voire le nouvel objet social puisque le débat est lancé ? Comme la valorisation des actifs passent par le respect du droit, ce dernier doit être au cœur du projet numérique de nos sociétés en s’inscrivant dans l’universalité, le respect des droits de l’homme et l’esprit du code civil de 1804.

En pensant en même temps digital et droit nous sortirons par le haut de la transformation numérique. Seul le droit peut répondre aux besoins des justiciables et rééquilibrer la puissance des GAFA. Il est instrument de sauvegarde d’une espérance sociétale et un moyen de réunir des communautés en permettant à chacun l’accès à l’information tout en étant respecté. Disposer d’une identité numérique irrévocable est plus que jamais l’outil de développement et de différenciation qui protège et fait prospérer. La convergence entre numérique et droit peut aussi contribuer à restaurer l’idée européenne.

Il faut mettre le droit au cœur du projet numérique. Chaque citoyen doit disposer de la maîtrise pleine et entière de son outil d’identification et contrôler ses données pour échanger des informations et pour accéder aux services en ligne ou souscrire à toutes formes de conventions dématérialisées. C’est, avec le renforcement de l’éducation juridique et économique, le moyen d’instaurer d’une république citoyenne en assurant la prospérité des écosystèmes publics et marchands, à commencer par l’entrepreneur en puissance que chacun devient grâce au digital.

Bruno Deffains

Professeur de Droit et d'Économie à l'Université Paris II Panthéon-Assas, Président du Pôle numérique du Club des juristes
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