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Utilité commune

De l’utilité commune et du bien commun

Au sommet de la hiérarchie des normes, l’utilité commune est déclinée en bien commun dans la réforme de la justice au 21ème siècle. Mais quel est le contenu d’une norme juridique aussi politique ?

L’article 1er de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen pose le principe de la liberté et de l’égalité en droit, mais aussi, dans une seconde phrase moins connue, il énonce le principe selon lequel « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune».

On peut s’interroger sur la signification de cette seconde phrase de l’article 1er du texte de 1789, aujourd’hui, alors que l’économie de marché, et en particulier les marchés financiers, imposent des distinctions sociales qui ne semblent reposer que sur l’argent. Il est aussi essentiel de se questionner sur le contenu même de l’utilité commune et de sa place dans une société de marché.

L’utilité commune semble inexorablement reculer derrière des impératifs d’économie de marché et d’économie financière répondant à une logique de mondialisation. L’utilité commune apparait également comme la première victime du surendettement de la puissance publique. L’Etat et les collectivités publiques doivent faire des économies. Cet impératif de bonne gestion vient en concurrence frontale avec la capacité du service public à œuvrer pour l’utilité commune.
Néanmoins, l’utilité commune affirme sa résistance au travers de la notion de bien commun de plus en plus revendiquée en réponse à mondialisation.

Cette notion du bien commun est au cœur de la réflexion des économistes qui tirent les leçons des crises financières, comme dans le livre de Jean Tirole, L’économie du bien commun. Le prix Nobel explique le sens de la régulation économique au service d’un équilibre plus équitable que celui produit par le marché qui ne correspond pas au bien commun.

Le spectre de la crise financière qui n’a pas disparu impose plus que jamais d’orienter la finance vers un développement économique plus responsable, plus durable, en sortant d’une logique de marché obnubilée par le rendement. Tel est le sens du bien commun en économie.
Qu’en est-il du droit ?

La norme juridique ne faisait pas expressément référence au bien commun jusqu’il y a peu, alors que Saint Thomas d’Aquin écrivait : « La loi est une ordonnance de raison en vue bien commun, promulguée par celui qui a la charge de la Communauté. »
Dans la loi de modernisation de la justice au 21ème siècle, le bien commun vient de faire son entrée dans le droit positif au détour d’un article précisant la mission du procureur général près la Cour de cassation. La loi du 18 novembre 2016 précise qu’il « rend des avis dans l’intérêt de la loi et du bien commun.»

Le contenu du bien commun, comme de l’utilité commune, est pour une large part le résultat d’un choix politique, voire idéologique. Il s’agit du cœur du clivage entre droite et gauche, mais aussi au sein de chaque clan, entre les partisans du plus ou du moins d’Etat.

Cependant, le bien commun, l’utilité commune ou l’intérêt général constituent des repères juridiques essentiels, puisqu’il est maintenant demandé au Ministère public de le rappeler aux juges du siège, pour les éclairer sur la portée de la décision qu’ils doivent prendre en droit.
Le bien commun n’est pas le contraire de l’intérêt privé ou individuel. C’est la condition de son épanouissement, selon les bornes fixées par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. C’est pourquoi l’intérêt général est avant tout un guide de la règle de droit, avant d’être le fondement de l’action publique.

Il existe donc un socle juridique défendant les valeurs démocratiques et républicaines autour de la notion d’utilité commune ou de bien commun. Ce socle est intangible, qu’elle que soient les nuances politiques sur l’échiquier républicain.

En cette époque électorale où l’on réduit le débat en nombre de postes de fonctionnaires, le rappel du contenu juridique de l’utilité commune impose une réflexion plus approfondie sur cette notion essentielle. Cette phrase de la Déclaration des droits de l’homme proclamant l’utilité commune comme un repaire et une priorité n’est pas anachronique. Elle est d’une actualité brulante comme le démontre l’entrée de la notion de bien commun dans la loi sur la justice au XXIème siècle.

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Frédéric Peltier

Frédéric Peltier

Avocat à la Cour, Peltier Juvigny Marpeau & Associés
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