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Uber, la libre circulation des services et la sophistique

Une décision de la Cour de justice de l’Union Européenne sur la qualification juridique d’Uber est attendue cet été. Celle-ci pourrait avoir un impact majeur sur le développement de l’économie numérique.

Le cadre juridique européen vise à établir la liberté de circulation des services en ligne au sein du marché intérieur pour favoriser le développement de la société de l’information. Cet objectif implique notamment la suppression des obstacles juridiques induits par l’hétérogénéité des lois nationales (Directive « e-Commerce » du 8 juin 2000).

Les États-membres ne peuvent restreindre la libre circulation que pour des motifs d’ordre public ou pour la protection des consommateurs, de la santé publique et de la sécurité publique, sauf dans certains domaines tels que le transport où ils légifèrent librement.

Ainsi, la France a adopté la loi du 1er octobre 2014 sanctionnant pénalement la mise en relation des internautes et des personnes exerçant une activité de transport sans avoir le statut d’entreprise de transport, ni exercer la profession de chauffeur de taxi. Dans le même esprit, l’Espagne a instauré un système de licences obligatoires.

La question soumise à la Cour est la suivante : le service rendu par Uber est-il un service en ligne, relevant de la Directive e-Commerce ou un service de transport, pouvant ainsi être librement régi par le droit national ?

Soutenir que Uber fourni un service de transport compte-tenu de son objet final est un discours séduisant par sa simplicité et par l’évocation en filigrane de l’intérêt public.

Mais contrairement aux enseignements de la sophistique, la vérité et la vraisemblance ne se confondent pas toujours!

Ainsi, comme l’a rappelé l’avocat général Sharpston, « seuls les services qui, par essence, relèvent des «transports» peuvent bénéficier de l’exception« .

En l’occurrence, nous sommes en présence de deux services distincts : l’un permettant de localiser et réserver un chauffeur, l’autre consistant à acheminer physiquement des passagers. Comme l’écrivait Aristote, « ceux qui se demandent si la neige est blanche ou non n’ont qu’à regarder ».

Ainsi, soutenir que l’essence du service d’Uber est d’assurer le transport des passagers reviendrait à assimiler le service de réservation d’hôtels eBooking à un service d’hôtellerie et Meetic à une agence matrimoniale !

Certes, il pourrait être soutenu que, contrairement à d’autres, Uber joue un rôle actif en suggérant un prix maximum. Toutefois, les services d’intermédiation jouent parfois un rôle actif pour faciliter la réalisation des services finaux, à l’image d’eBay qui offre des solutions de paiement, sans que sa qualification soit à ce jour contestée. De même, Uber ne semble pouvoir être assimilé à un chauffeur de taxi du seul fait qu’elle offre certaines fonctions pour faciliter un service de transport.

Si la Cour entrait dans cette voie, cela signifierait que la France et l’Espagne pouvaient adopter des règles spécifiques nationales sans droit de regard pour la Commission européenne. Une telle position risquerait d’entraîner une multiplication anarchique de législations nationales protectionnistes et disparates, privant ainsi d’effet les efforts d’harmonisation pour le développement de l’économie numérique.

Aux juges européens conscients de l’impact de leur décision, nous prêterons l’oreille. Ils sauront, dans leur grande sagesse, constater que la neige est blanche quel que soit le point de vue !

Alexandra Néri

Alexandra Néri

Associée, Directrice du département IP/TMT, Paris, Herbert Smith Freehills
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