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Sûretés

La victoire des sûretés luxembourgeoises

En 2015, l’affaire Courtepaille avait défrayé la chronique dans le microcosme du LBO. Après plusieurs mois de négociations infructueuses sur le refinancement de la dette, le prêteur exerça sa garantie en réalisant son nantissement sur les titres de capital de la société holding détenant le groupe de restauration. Dans le monde du LBO on dit que le créancier prend les clés.

Le LBO sur la chaîne de restaurants au toit de chaume avait été structuré selon la technique de la double luxco. Le capital fut injecté dans une première société détenant 100% d’une seconde, dans laquelle est logée la dette permettant le financement de l’acquisition. Ce montage en cascade de holdings permit de garantir la dette par un nantissement d’actions de la société faîtière sise au Luxembourg constitué par le fond.

Pourquoi le Luxembourg ? Parce que le droit de notre voisin européen présente des particularités avantageuses pour les prêteurs ; il a mené avec le plus grand zèle la transposition de la directive de l’UE du 6 juin 2002 concernant les garanties financières, par une loi du 5 août 2005.

Rappelons que cette directive a renforcé la sécurité juridique des garanties, notamment en facilitant l’exécution des sûretés. Ce texte a procédé à un rééquilibrage des droits respectifs des créanciers et des débiteurs, pour éviter que les procédures collectives de traitement des faillites ne viennent annihiler toute efficacité aux garanties du crédit. Un tel rééquilibrage était présenté comme indispensable au développement des places financières européennes dans la compétition mondiale, et le Luxembourg a voulu être le premier de la classe.

Le principe au Luxembourg est le suivant : il faut immuniser l’exécution des garanties contre les incidents et manœuvres, pour ne renvoyer qu’à la responsabilité des bénéficiaires post réalisation. A bon entendeur salut.

L’affaire Courtepaille a donné lieu à un jugement, le 12 juillet 2017, qui même s’il est frappé d’appel, mérite quelques commentaires pour comprendre l’efficacité de ce droit des sûretés issu du droit européen.

La loi luxembourgeoise, dans une lecture fidèle de la directive, permet que le créancier puisse exercer sa sûreté, non plus seulement dans le cas d’une défaillance de paiement du débiteur au titre de ses obligations financières, mais au surplus, pour tout autre évènement convenu entre les parties. En l’espèce, l’évènement déclencheur du droit d’exercer la garantie était le non-respect d’un ratio financier (convenant), attestant d’une profonde dégradation financière de l’entreprise, augurant une impossibilité de rembourser la dette LBO. Ainsi, l’exercice de la garantie était-il déconnecté de tout incident de paiement, voire d’une mise en demeure de rembourser par anticipation.

La logique de la garantie d’un ratio est de pousser le débiteur à ne pas se trouver en dehors des clous, car très vite, le risque de défaillance peut arriver. Or, précisément, en faisant dépendre l’exercice du nantissement d’un bris de ratio, le créancier peut devenir actionnaire avant la faillite et donc l’incident de paiement. Lorsque la garantie est exercée à la suite d’un incident de paiement, il est souvent trop tard, le créancier, en prenant les clés, se retrouve actionnaire d’une entreprise en cessation des paiements. La garantie du prêt est alors un cadeau empoisonné.

Le jugement du 12 juillet dernier des juges du Grand-Duché ne peut être plus clair sur le fait que l’exercice de la garantie et l’exigibilité de la dette sont deux faits totalement indépendants. En d’autres termes, l’exercice de la garantie peut très bien s’opérer sans que le débiteur ne soit appelé à rembourser sa dette, même si l’exigibilité est contractuellement prévue. Le prêteur prend donc possession de son gage et il peut conserver sa créance pour la partie non éteinte par le transfert de valeur objet du gage. Il y a d’ailleurs peu de chance que la valeur du gage soit supérieure à celle de la dette et que le créancier gagiste n’ait à verser une soulte au garant, si les ratios financiers non respectés ont été bien calibrés. Dans une telle situation la valeur de l’entreprise est souvent inférieure à la valeur de la dette.

Devenant actionnaire, le prêteur peut alors faire le travail de restructuration que n’a pas été capable de faire l’actionnaire défaillant. Le droit des sûretés luxembourgeois est donc efficace, mais aussi pragmatique, si le créancier doit se substituer à l’actionnaire, autant qu’il ne le fasse pas avant qu’il ne soit trop tard.

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Frédéric Peltier

Frédéric Peltier

Avocat à la Cour, Peltier Juvigny Marpeau & Associés
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