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Statut pénal du Président de la République

Statut pénal du Président de la République : 12 ans pour réaliser une réforme !

Le 12 décembre 2002, la Commission Avril remettait au Président Chirac le rapport que ce dernier lui avait commandé sur le statut pénal du Chef de l’Etat ; le 23 février 2007, le Congrès votait une réforme des articles 67 et 68 de la Constitution reprenant pour l’essentiel les propositions de la Commission ; le 19 novembre 2014, le Conseil constitutionnel validait pour l’essentiel, le projet de loi organique portant application de cette réforme (Cons. const., 19 nov. 2014, 2014-703 DC). Il ne reste plus à ce que la Haute Cour vote son règlement et que le Conseil constitutionnel le valide pour que cette procédure soit prête à fonctionner. Douze ans pour une réforme constitutionnelle poursuivie, ou laissée en jachère, sous trois présidents de la République. Le malaise est évident !

Les raisons sont multiples. Cette réforme intervient dans un contexte où un certain nombre d’affaires mettent en cause des Présidents de la République, en exercice ou non, où la séparation des pouvoirs entre les politiques et les juges crée de nouveaux équilibres au profit de ces derniers, où la revendication d’égalité et l’exigence de transparence se font plus impérieuses dans un contexte de crise sociale, économique et politique. Il convient par ailleurs d’observer que  la responsabilité politique du Chef de l’Etat est inversement proportionnelle à l’étendue de ses compétences. Faute de référendums à l’occasion desquels le Président engage sa responsabilité, l’opération étant devenue particulièrement risquée, et le plébiscite étant jugé anti-démocratique, probablement en souvenir de Napoléon III, la responsabilité politique du président devant le Peuple, n’est qu’une fiction. Or la responsabilité est au cœur de la démocratie.

L’économie générale de la réforme de 2007 est simple. Le président est politiquement irresponsable s’agissant des actes commis dans l’exercice de ses fonctions, il est insusceptible d’être mis en cause par, ou devant, un juge durant l’exercice de ses fonctions, il doit pouvoir être jugé pour les actes étrangers à l’exercice de ses fonctions, dans les conditions du droit commun, au terme de ses fonctions et, enfin, il doit être possible de mettre fin à son mandat pour tout motif (violation grave de la Constitution, crime ou délit de droit commun) rendant manifestement impossible la poursuite de son mandat. Par ailleurs, élu par le Peuple, le Président ne peut être responsable devant le Parlement. Est ainsi prévue une procédure de destitution par la Haute Cour en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. Il s’agit d’une forme de responsabilité sui generis, qui n’est pas à proprement parler politique (la Haute Cour bien que composée des membres du Parlement, se distingue juridiquement du Congrès et les conditions de majorité visent à exclure une destitution par une simple majorité) ou pénale (la Haute Cour n’étant pas de justice).

La commission Jospin avait préconisé une diminutio capitis de la protection juridictionnelle du chef de l’Etat en faisant prévaloir le principe d’égalité. Si cette proposition s’inscrivait dans une logique qui vise à renforcer les droits individuels au détriment des intérêts de l’Etat et à renforcer tant le caractère politique que le caractère juridictionnel de la responsabilité, elle a fait long feu, emportée par l’échec des projets de reforme du président Hollande. On relèvera avec intérêt que le Conseil constitutionnel rappelle, avec insistance, que la séparation des pouvoirs doit également bénéficier au président de la République.

Il n’en reste pas moins que si le Président est « protégé » durant l’exercice de son mandat, la définition des actes relevant de ses fonctions tend à se réduire comme peau de chagrin, lorsque la mise en cause intervient à l’issue de son mandat, comme en témoigne, par exemple, la saisie, des agendas d’un ancien Président de la République. Revanche des juges vis à vis d’un ancien Président de la République, engendrée par leur impotence face à un président en exercice ?  La mise en cause de la responsabilité des Présidents laisse encore en suspend bien des questions.

Bertrand Mathieu

Bertrand Mathieu

Professeur de Droit à l'Université Paris I Panthéon Sorbonne
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