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Répression fiscale : le dernier refuge

Après que l’affaire Cahuzac a montré sa coupable légèreté dans le choix des ministres, l’exécutif entreprit de s’en absoudre en réprimant les citoyens pour un crime qu’ils n’avaient pas commis, et décida d’aggraver par la loi la répression fiscale. Une décision du 4 décembre 2013 du Conseil constitutionnel mit fin aux plus spectaculaires des errements gouvernementaux : visites domiciliaires sur le fondement de documents quelle qu’en soit l’origine, y compris illégale ; exploitation d’informations d’origine illicite ; amendes sans rapport avec la commission du délit ; surtout, cette garde à vue de 96 heures pour les délits de fraude fiscale et douanière aggravés ainsi que les délits de corruption et de trafic d’influence, qui alignait le régime de répression de ces délits sur celui du grand banditisme ou du terrorisme. En regardant de près les conditions d’élaboration de la loi censurée, on s’aperçoit que ces dispositions liberticides n’ont été critiquées sérieusement par personne, à l’exception des quelques sénateurs auteurs de la saisine. Les débats parlementaires n’ont guère porté sur la proportion entre l’objectif d’intérêt général et l’atteinte aux libertés, la presse est restée remarquablement silencieuse,

Ainsi la gauche met-elle ses pas dans ceux de la droite. Les obsessions changent, mais le peu de souci pour les libertés individuelles demeure. Naguère, légiférant sous le coup de l’émotion, tout était bon pour réprimer les délinquants sexuels, sans égards pour le principe de nonrétroactivité de la loi pénale (décision n° 2008-562 DC du 21 février 2008), ou autoriser la création de fichiers raciaux ou ethniques (décision n° 2007-557 DC du 15 novembre 2007). Aujourd’hui, si ce ne sont plus l’étranger ou le violeur qui sont visés, mais le fraudeur, la légèreté demeure. La question de savoir jusqu’où, pour réprimer des coupables éventuels, il est licite de diminuer la liberté de l’ensemble des citoyens, n’est à peu près plus posée nulle part en dehors de la rue Montpensier.

Qu’on n’aille pas dire, comme on l’entend parfois, qu’ainsi chacun « est dans son rôle ». C’est qu’il ne s’agit pas d’un théâtre, et que le citoyen est en droit d’attendre de son gouvernement et de son Parlement qu’ils gardent en mémoire ces droits qu’ils ont, aussi, pour mission de protéger. Il est remarquable que les droits du Parlement n’aient progressé, ces dernières années, que dans l’intérêt fonctionnel des parlementaires, non dans celui des droits fondamentaux des citoyens. Que l’esprit des libertés publiques n’ait plus désormais pour seul refuge que le Conseil constitutionnel devrait inquiéter tous les démocrates, sans considération d’opinion ou de parti.

François Sureau, avocat à la cour, Expert du Club des juristes.

François Sureau

François Sureau

Avocat à la cour, membre de l'Académie française
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