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Rachat d’actions

Plus de pragmatisme dans l’élaboration du droit des sociétés pour plus d’attractivité

La tendance à privilégier l’interdiction à la permission s’illustre régulièrement en droit des sociétés. Le régime du rachat des actions de préférence en est l’exemple typique.

Ayant manqué à trois reprises l’occasion de créer un régime juridique des actions de préférence plus attractif, la Chancellerie n’est toujours pas parvenue à répondre aux attentes de la pratique malgré les réformes de 2004, 2008 et 2014.

L’ordonnance du 24 juin 2004 édictait un régime général (art. L. 228-12 C. com.) et un régime propre aux sociétés cotées (art. L. 228-20 C. com.). Le premier prévoyait que les modalités de rachat des actions de préférence, pour lequel l’assemblée générale extraordinaire (AGE) était seule compétente, pouvaient être fixées par les statuts. Le second précisait qu’en matière d’actions cotées, la possibilité de rachat était restreinte aux hypothèses d’illiquidité du marché.

L’ordonnance du 6 novembre 2008 avait pour but de supprimer la possibilité pour le porteur d’exiger le rachat en cas d’illiquidité du marché pour dissiper toute ambiguïté sur le régime applicable et permettre la classification des actions de préférence des sociétés cotées en fonds propre. Supprimant l’article L. 228-20 du Code précité, l’article L. 228-12 fixait alors seul le régime de rachat dont les modalités pouvaient être fixées par l’AGE.

Enfin, par ordonnance du 31 juillet 2014, la Chancellerie réécrivait l’article L. 228-12 précité, pour soumettre les actions de préférence rachetables ab initio à un régime spécifique. Si les actions potentiellement rachetables ne peuvent désormais être rachetées que selon le droit commun (art. L. 228-12 II C. com.), celles rachetables ab initio sont soumises à une procédure spécifique qui précise que « le rachat est à l’initiative exclusive de la société » (art. L. 228-12 III 5° C. com.), l’actionnaire se voyant refuser toute prérogative en ce sens.

Ainsi, la Chancellerie semble avoir fait fi des vœux d’assouplissement de la pratique et réduit considérablement l’intérêt de la réforme. Le refus de consacrer le rachat à la main du porteur – là où le droit français le permettrait aisément – marque un recul regrettable, d’autant plus incompréhensible que les normes communautaires n’imposaient guère une telle restriction.

De plus, les raisons avancées – le rachat ne peut être initié que par la société à l’exclusion du porteur car l’inverse « heurterait des principes fondamentaux […] telle la prohibition de la variabilité du capital social dans les sociétés anonymes, et aurait une incidence négative sur la qualification de ces titres en fonds propres dans les sociétés cotées » (Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance du 31 juillet 2014) manquent de pertinence. En réalité, l’argument relatif au capital social est vidé de son intérêt dès lors que le droit interne reprend les dispositifs protecteurs des créanciers de la directive « capital social ». Pourquoi ne pas permettre que les actions de préférence, rachetables à la demande de l’actionnaire, intègrent une catégorie autre que les fonds propres, dès lors que le marché en est informé et qu’aucun investisseur n’est susceptible d’être trompé ?

Ainsi, et alors qu’un régime de rachat plus souple permettrait une source de financement complémentaire pour les sociétés émettrices, pour quelles raisons, malgré la succession de réformes, la Chancellerie n’est pas parvenue à donner corps à un tel projet ? N’est-ce pas l’illustration même de

ce que la rédaction de la loi doit passer par une prise en considération plus importante des différentes parties prenantes et être davantage sensible aux recommandations des acteurs de la Place ? Devant un tel constat, l’exemple du Delaware – dont l’attractivité en droit des sociétés est sans pareille – devrait être source d’inspiration. Cet Etat bénéficie, lors de l’élaboration des textes législatifs, des conseils d’un groupe d’experts spécialisés, afin de mieux répondre aux besoins des entreprises.

A l’instar de cette assistance, ne peut-on pas envisager que la Chancellerie s’adjoigne, pour l’élaboration du droit des sociétés, l’assistance d’un comité de sachants ? On assurerait – ou du moins favoriserait – la prise en compte par la loi des attentes légitimes des sociétés qui, tout en ouvrant des perspectives nouvelles et pragmatiques, ne seraient pas pour autant sources de nouveaux risques.

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Didier Martin

Didier Martin

Avocat à la Cour - Bredin Prat
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