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Qui veut la peau du barème Macron ?

Plusieurs Conseils de prud’hommes ont récemment écarté l’application du barème d’indemnité de licenciement abusif prévu à l’article L. 1235-3 du Code du travail au motif tiré de son absence de conformité avec les textes internationaux.

Modifié en 2017, ce texte prévoit désormais un plancher et un plafond s’agissant des dommages-intérêts pouvant être alloués au salarié en cas de licenciement abusif.

Figurant parmi les mesures phares des ordonnances Macron, ce barème avait tout pour séduire les employeurs et les investisseurs en renforçant la prévisibilité des conséquences liées à la rupture du contrat de travail. Sa mise en place suscite pourtant une forte contestation de la part des syndicats et des avocats de salariés.

Des arguments juridiques sont utilisés de part et d’autre, mais c’est surtout sur le terrain idéologique que se joue le match entre adversaires et adeptes du barème.

Les deux premières batailles ont été remportées par ses adeptes. Tout d’abord, le Conseil d’État, saisi en référé, a estimé que le barème était conforme au droit français mais aussi à l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT et à l’article 24 de la Charte sociale européenne (CE 7 décembre 2017). C’est ensuite le Conseil constitutionnel qui a décidé qu’il n’était pas contraire à la Constitution (DC 21 mars 2018).

Ces deux défaites n’ont pas sonné le glas des espoirs de ses opposants. FO et la CGT ont, ainsi, saisi le Comité européen des Droits sociaux (CEDS) pour le faire juger non conforme à l’article 24 de la Charte. Par ailleurs, des salariés ont contesté sa conventionnalité, s’appuyant sur l’argumentaire du Syndicat des Avocats de France.

Oublions la querelle idéologique pour un temps et penchons-nous justement sur les Textes internationaux qui exigent uniquement une indemnité adéquate ou une réparation appropriée en cas de licenciement abusif laissant ainsi aux États, la faculté d’en déterminer les critères. Ni la convention OIT, ni la Charte n’instituent, en effet, un principe de réparation intégrale.

Il n’existe donc, en principe, aucune contrariété entre le barème Macron et les Traités internationaux.

Ses pourfendeurs n’en démordent pourtant pas et se prévalent d’une décision du CEDS ayant jugé que le barème Finlandais violait l’article 24 de la Charte (CEDS 8 septembre 2016). Dans cette décision, le CEDS ne prohibe pas tout le barème mais estime concrètement que la réparation appropriée ou l’indemnité adéquate s’entendent d’une possibilité de réintégration, d’une réparation intégrale du préjudice et d’une indemnité suffisamment dissuasive pour l’employeur. Il fait ainsi dire à ce texte ce qu’il ne dit pas. Cette position audacieuse du CEDS est probablement due au fait que ses décisions n’ont aucune portée contraignante dans les faits.

Face à la fronde prud’homale, le Gouvernement veut éteindre au plus vite le feu de la contestation. La garde des Sceaux a, ainsi, adressé le 26 février une circulaire aux présidents des Cours d’appel et des TGI leur demandant de l’informer des décisions rendues portant sur la question de conventionnalité de l’article L. 1235-3 et d’intervenir en appel afin de faire connaitre l’avis du parquet.

Espérons que la Cour de cassation mettra rapidement un terme à cette fronde, sa position ne devant toutefois pas être connue avant 2020. D’ici là, les adversaires et les opposants pourront compter leurs points respectifs, les premiers arrêts de Cour d’appel sur cette question devant être rendus cet été.

Séverine Martel et Fernando Teixeira, associés au sein de l’équipe Droit Social, Reed Smith LLP, bureau de Paris, partenaires du Club des juristes.

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