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Peines, par Antoine Ory, ancien secrétaire de la Conférence

 

Rétablir des peines planchers : un  faux remède aux maux de notre système pénal

Comme à son habitude, la campagne présidentielle a été le théâtre d’une succession de propositions présentées comme la solution miracle à tous les maux que connaît notre système pénal, qu’il s’agisse de la surpopulation carcérale, de la récidive, ou de la faiblesse supposée des peines infligées par les juridictions. C’est ainsi que l’antienne des peines planchers, que l’on croyait tombée dans l’oubli, a été chantée par plusieurs candidats, principalement contre les auteurs de violences à l’encontre des forces de l’ordre ou de violences intrafamiliales. Alors que penser de cette idée de rétablir les peines planchers, dans la perspective notamment de lutter contre la récidive ?

Un débat ancien – Les peines planchers renvoient à l’obligation légale, pour les magistrats, de condamner les auteurs de certains types d’infractions à une peine minimale. Alors que les révolutionnaires avaient imaginé dans le Code pénal de 1791 la fixité des peines, héritée du principe de légalité, le Code pénal de 1810 instituera les premières peines planchers. Le nouveau Code pénal de 1994 refusera de les introduire une nouvelle fois, préférant confier au juge des pouvoirs accrus dans la détermination de la peine, incarnés par l’article 132-24 du Code pénal. Promesse de campagne du candidat Sarkozy, elles renaîtront en 2007, à la faveur d’une réforme pénale promettant d’instituer des peines véritablement dissuasives et de limiter la récidive. Le dispositif introduit par la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 prévoyait ainsi que, pour les auteurs de crimes ou de délit en récidive, la peine infligée ne puisse être inférieure à un seuil fonction du quantum encouru. A titre d’exemple, un vol simple, puni par une peine maximum de trois années d’emprisonnement, ne pouvait donner lieu à une condamnation inférieure à un an d’emprisonnement, sauf par décision spécialement motivée, compte tenu des circonstances de la commission de l’infraction, de la personnalité de l’auteur, ou des garanties de réinsertion présentées par celui-ci.

Une proposition constitutionnelle sur le principe – Très critiquées au moment de leur résurrection en 2007, notamment en raison du fait qu’elles seraient susceptibles de méconnaître le principe d’individualisation des peines, il apparaît nécessaire de préciser que les peines planchers ne se heurtent formellement à aucun obstacle constitutionnel. Le Conseil constitutionnel les avait en effet validées sur le principe, considérant qu’elles ne privaient pas le juge de la faculté de déroger à ce seuil et lui laissaient un pouvoir d’appréciation. Dès lors, en l’absence de caractère automatique de la peine, les Sages validaient le dispositif qui leur était soumis. Conscients du cadre posé par le Conseil, certains candidats à l’élection présidentielle n’ont d’ailleurs pas hésité à proposer de modifier la Constitution, afin de permettre l’infliction de peines automatiques pour les auteurs de certaines infractions, privant ainsi le juge de tout pouvoir d’appréciation dans la détermination de la sanction.

Un remède inefficaceAu-delà de la question strictement juridique, l’efficacité des peines planchers paraît sujette à caution. Un premier bilan réalisé en octobre 2011 montre qu’elles ont été massivement utilisées contre les délits répétitifs punis d’une faible peine d’emprisonnement, et non contre les infractions les plus graves, alors même que c’est ce type d’actes que le législateur souhaitait traiter en priorité. En outre, le taux de récidive s’est aggravé entre 2005 et 2011, passant de 6,6% à 12,1% pour les délits et de 2,6% à 6,2% pour les crimes (source : Cahier d’études pénitentiaires et criminologiques, n°36, 2011). A cet égard, d’autres pays, comme les Etats-Unis, ayant instauré des dispositifs comparables offrent des retours d’expériences contrastés voire décevants. C’est dans ce contexte que la loi n° 2014-896 du 15 août 2014, également imprégnée d’une philosophie davantage orientée vers la réinsertion, supprimait les peines planchers.

A l’heure où la loi pénale, pour paraphraser le chercheur et magistrat Denis Salas, est devenue un instrument de régulation des peurs collectives, et non une codification réfléchie des sanctions, la solution au problème de la récidive ne résiderait-elle pas plutôt dans un abaissement des peines maximales encourues, afin d’accentuer l’impression de sévérité relative, comme le propose Arnaud Philippe dans son ouvrage La Fabrique des jugements, paru cette année ?

Par Antoine Ory, ancien secrétaire de la Conférence

Antone Ory MDS

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