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Pacte de Glasgow, par Béatrice Parance et Lionel Chami

Valeur juridique des dispositions du Pacte de Glasgow : juste du bla-bla-bla ?

La 26ième conférence des Nations Unies sur le Climat (COP 26) s’est achevée samedi 13 novembre après deux semaines de réunions intenses ayant réunies plus de 30 000 participants. Les attentes à son égard étaient très fortes, tant de part de la société civile que des scientifiques, alors même qu’elle a été reportée d’un an en raison de la crise sanitaire. Les plus récentes études scientifiques, notamment le dernier rapport du GIEC d’août 2021, ne cessent en effet de pointer du doigt l’insuffisance des avancées des États dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Selon les derniers scénarii tant du GIEC que de l’agence internationale de l’énergie (AIE), les politiques climatiques actuelles devraient nous conduire vers un réchauffement de 2.7° à la fin du siècle, alors même que l’Accord de Paris avait acté une limitation du phénomène à 1.5°, taux qui s’annoncerait atteint d’ici 2030 si les émissions demeuraient inchangées. Dans ces circonstances, le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, souligne que « Nous sommes toujours à l’orée d’une catastrophe climatique ». Au terme de cette conférence internationale qui s’est conclue par la signature du Pacte de Glasgow, c’est un bilan en demi-teinte qui s’impose : certes, des progrès ont été réalisés dans les engagements des États afin de tenter de « garder vivant » l’objectif de 1.5° d’ici la fin du siècle ; cependant, une déception s’impose sur la question primordiale de la responsabilité financière des États du Nord à l’égard des pays du Sud, qui sont les plus vulnérables aux manifestations du dérèglement climatique.

Parmi les avancées notables du Pacte de Glasgow, il apparaît un renforcement des engagements des États sur les mesures nécessaires à l’atténuation du phénomène. Ainsi, des pays très dépendants du charbon ont sensiblement rehaussé leur engagement, tels la Chine et le Nigéria qui se sont engagés à atteindre la neutralité climatique d’ici 2060 et l’Inde d’ici 2070. Souvenons-nous que l’Europe s’est pour sa part placée dans un objectif de zéro émission nette d’ici 2050.  En outre, l’accord incite les États à revoir et renforcer leurs objectifs pour 2030 dès la fin 2022, et non en 2025 comme le prévoyait l’Accord de Paris.

Sur la question des mesures d’adaptation, l’accord prévoit de doubler leur financement d’ici 2025 par rapport au niveau de 2019.Des espoirs importants reposent aussi sur les coalitions et partenariats qui ont pu être noués en marge des négociations officielles. En particulier, une coalition a vu le jour sur la question de la déforestation : plus d’une centaine d’Etats représentant plus de 85 % des forêts mondiales se sont engagés à enrayer le phénomène d’ici 2030. Précisément, il s’agit de restaurer les terres dégradées, de lutter contre les incendies et de soutenir les communautés autochtones, avec un financement à hauteur de 16,5 milliards d’euros. Un autre partenariat prometteur est celui relatif au méthane qui unit plus de 100 pays représentant plus de la moitié des émissions de ce gaz très nocif pour le dérèglement climatique. Ces derniers s’engagent à diminuer leurs émissions de 30% d’ici 2030 par rapport au niveau de 2020, même si l’Inde, la Chine et la Russie sont restés en dehors de cette coalition menée sous l’égide des États-Unis et de l’Europe, ce qui réduit l’impact de l’accord.

Ces avancées ne permettent toutefois pas d’effacer le sentiment d’occasion manquée suscité par certains sujets. D’une part, les ONG ont regretté que les États n’aillent pas plus loin dans leurs engagements qui demeurent en deçà de ce que les scientifiques identifient comme nécessaire. D’autre part, la question des « pertes et dommages » (dégâts irréversibles causés par les manifestations du changement climatique tels ouragans, inondations, sécheresses) a mis en lumière l’insuffisance de la solidarité internationale, alors même que la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid 19 a encore sensiblement accru les inégalités à travers le monde. En effet, les pays en développement sont ceux qui subissent le plus sévèrement les catastrophes climatiques alors que ce sont les pays du Nord qui ont le plus contribué à l’avènement du phénomène. Craignant que la reconnaissance des pertes et dommages ne puisse ultérieurement déboucher sur des poursuites judiciaires et des demandes de compensation financière, ces derniers ont seulement accepté d’ouvrir un dialogue de deux ans pour discuter sur des modalités de financement. Enfin, un dernier regret fait jour sur la question du charbon : le Pacte de Glasgow a marqué un progrès majeur en ce qu’il est le premier texte international à mentionner la part majeure des énergies fossiles dans les émissions de gaz à effet de serre. En ce sens, le texte encourage les États à accélérer leurs efforts sur la fin des subventions inefficaces aux énergies fossiles et la diminution de l’utilisation du charbon, dans un esprit de transition juste. Cependant, cette rédaction marque un retrait par rapport au premier projet ; sous l’influence du lobbying de l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, le terme de « sortie » du charbon a été rejeté au profit du terme « diminution », ce qui laisse une importante marge de manœuvre aux États. Le Pacte climatique de Glasgow apparaît donc comme étant resté au milieu du gué, mais pouvait-il en aller différemment lorsqu’il est nécessaire d’obtenir un consensus entre 196 pays !

Enfin, se pose la question du statut juridique de ces engagements. Il convient tout d’abord de souligner que l’Accord de Paris, auquel ces déclarations cherchent à donner plein effet, est un traité international. Il constitue ainsi la forme d’engagement la plus solennelle que puisse prendre un État. Malgré la force contraignante que lui confère ce statut, toutes ses dispositions ne créent pas forcément d’obligations envers les signataires. En effet, si certaines d’entre elles sont de droit dur, beaucoup d’autres relèvent du droit souple.
Il convient alors de distinguer deux types d’engagements pris à Glasgow. Une première catégorie concerne les partenariats effectués en dehors du cadre officiel de l’Accord de Paris. Celle-ci regroupe notamment les engagements pris sur le méthane et la déforestation. Vu à travers le prisme du droit international, ces derniers n’ont pas de force juridique contraignante en ce qu’ils constituent de simples déclarations politiques.
La seconde catégorie concerne les décisions « officielles » prises en fonction de l’agenda de la COP26. Ces dernières émergent de la « Conférence des Parties qui agit comme réunion des Parties à l’Accord de Paris » (CMA). Font partie de cette catégorie le Pacte de Glasgow, ainsi qu’une douzaine de décisions apportant des précisions au « rulebook » de l’Accord de Paris, notamment sur des calendriers communs pour les contributions nationales, le cadre de transparence ou les marchés du carbone. Dans la mesure où ces dernières apportent des modifications à l’Accord de Paris, il reste à savoir si ces dispositions pourront être assimilées à des amendements, acquérant de ce fait une force contraignante qui, cumulée à un effet direct, pourraient justifier de leur invocabilité devant le juge.

Par Béatrice Parance, Professeure agrégée des Universités, UPL Paris 8 Vincennes Saint-Denis et Lionel Chami, Conseiller spécial au Pacte mondial pour l’environnement, enseignant vacataire à Sciences Po Paris.

 

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