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Neutralité du net : l’Europe tranche enfin

Souvent évoqué dans les débats relatifs à la régulation d’internet, le principe de neutralité du net n’est pas toujours clair quant à ses implications pour les différents acteurs, qu’il s’agisse des fournisseurs d’accès à internet (FAI) ou des utilisateurs.

La neutralité du net : l’UE tranche et clôt le débat au niveau communautaire

Le principe de neutralité du net a pour objet de garantir l’égalité de traitement de tous les flux de données sur internet. Par exemple, selon une application stricte du principe de neutralité du net, un utilisateur doit pouvoir visionner une série sur un site de streaming de type Netflix, consulter un blog politique ou encore jouer à un jeu vidéo en réseau sans que le FAI (ou ses différents partenaires techniques) ne puissent créer une quelconque discrimination dans la qualité et la vitesse de l’accès à ces informations et services. Ce principe s’oppose donc à l’idée d’un internet « à deux vitesses », qui donnerait la priorité à certains fournisseurs de contenus ou services majeurs (de type « GAFA » – Google-Apple-Facebook-Amazon – par exemple) sur d’autres fournisseurs plus isolés (ou au pouvoir de négociation réduit).

Si cette notion ne cesse de faire débat depuis une dizaine d’années, l’Union Européenne a enfin tranché avec l’adoption du Règlement n° 2015/2120 « établissant des mesures relatives à l’accès à un internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement n° 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union » (le « Nouveau Règlement »). Ce texte, approuvé par la Commission Européenne le 30 juin 2015 dans un contexte de révision globale de l’actuel cadre réglementaire applicable au secteur des télécoms en Europe, reconnait pour la première fois dans l’ordre juridique européen – et français – le principe de neutralité du net.

De nouvelles obligations pour les FAI

La neutralité du net figurait déjà – en filigrane – dans la Directive n° 2009/136/CE, qui prévoit que les utilisateurs d’internet doivent être pleinement informés de toute limitation (notamment d’accès ou de débit) imposée par le FAI quant à l’utilisation de services de communications électroniques. Mais le Nouveau Règlement va plus loin dans sa consécration : il prévoit que les utilisateurs doivent pouvoir accéder et diffuser informations et contenus, utiliser et fournir des applications et des services, et utiliser les équipements terminaux de leur choix pour accéder au réseau internet.

En négatif, il impose donc aux FAI de respecter le principe de non-discrimination des flux et services. En effet, les accords entre FAI et utilisateurs (CGU, notamment) ne pourront limiter l’exercice de ces droits, par exemple en prévoyant contractuellement la possibilité pour le FAI de favoriser certains services sur d’autres. Le Nouveau Règlement va donc nettement plus loin que l’obligation d’information et de transparence posé par la Directive n° 2009/136/CE.

Par exception, le Nouveau Règlement prévoit la possibilité pour les FAI de mettre en œuvre des mesures raisonnables de gestion du trafic, et donc de potentiellement donner la priorité à certains services sur d’autres, à condition que celles-ci soient non discriminatoires et proportionnées. En d’autres termes, les FAI pourront, de façon très circonstanciée, mettre en œuvre des mesures (techniques, principalement) ayant pour effet de bloquer, ralentir ou traiter de manière discriminatoire des contenus, des applications ou des services spécifiques sous réserve que ces mesures soient strictement nécessaires (par exemple, des mesures visant à prévenir l’accès à des sites illicites diffusant des contenus xénophobes, d’incitation à la haine, etc.)).

Cette possibilité de déroger au principe de neutralité du net sous couvert de transparence et d’information des utilisateurs s’inscrit dans une tendance plus générale au renforcement de l’information des utilisateurs que l’on constate dans les différents textes relatifs aux télécoms récemment adoptés en droit communautaire et discutés au niveau national, tel que le projet de loi « Pour une République Numérique ». Pour pouvoir déroger au principe de neutralité du net, les FAI devront veiller à ce que leurs contrats utilisateurs précisent clairement la manière dont les mesures de gestion du trafic appliquées, le cas échéant, par le fournisseur concerné peuvent avoir une incidence sur la qualité des services fournis, ou la manière dont les éventuelles limitations de volume, de débit et/ou relatives à d’autres paramètres de qualité de service peuvent avoir des conséquences sur l’accès à ces services – ce qui pourra être difficile à traduire sur le plan contractuel. Par ailleurs, les FAI devront mettre en place des procédures de traitement des réclamations des utilisateurs en lien avec le principe de neutralité du net.

Vers un renforcement des pouvoirs des autorités en matière de neutralité du net

Si le Nouveau Règlement consacre certains droits au bénéfice des utilisateurs et crée ainsi des obligations à la charge des FAI, il renforce également les pouvoirs des autorités nationales de régulation des télécoms afin de leur permettre d’assurer le respect du principe de neutralité du net. Les autorités nationales sont ainsi désormais en droit d’imposer aux FAI des exigences techniques supplémentaires et notamment des niveaux minimums de qualité de service, au bénéfice des utilisateurs. En outre, les FAI doivent mettre à la disposition de leur autorité nationale de régulation toute information pertinente en lien avec leurs obligations découlant de l’application du principe de neutralité du net.

Enfin, le Nouveau Règlement impose aux Etats Membres de prévoir des sanctions spécifiques en cas de non-respect par les FAI des obligations résultant du principe de neutralité du net.

Le Nouveau Règlement, entré en vigueur le 30 avril 2016, est d’application directe dans les Etats Membres (aucun texte de transposition nationale n’est donc requis). En parallèle le projet de loi « Pour une République Numérique » dit « Lemaire », qui participe de cette tendance au renforcement de la protection des utilisateurs d’internet, fera l’objet d’une dernière lecture en séance publique à l’Assemblée Nationale le 20 juillet prochain et en septembre au Sénat.

Florence Guthfreund-Roland et Mathilde Hallé, DLA Piper.

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