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Must Carry Sur Internet : Des Perturbations Dans La Réception Du Droit De L’Union ?

Must carry sur internet : des perturbations dans la réception du droit de l’Union ?

Quelle articulation entre les dispositions sur l’audiovisuel de la loi de 1986 et la réglementation européenne sur la diffusion de vidéos en ligne ? Telle est en substance la question que le Conseil d’Etat vient de poser à titre préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’un litige qui peut être résumé comme suit. La société Playmedia entend proposer un service de visionnage des programmes de télévision en flux continu et en direct sur internet, en se rémunérant principalement par la diffusion de messages publicitaires. Elle se prévaut, pour ce faire, de la qualité de “distributeur de services” au sens de la loi de 1986 et des dispositions qui instaurent une obligation de reprise (must carry) des programmes édités par France Télévisions et de son corollaire, à savoir l’obligation qu’il y aurait pour France Télévisions d’accepter cette diffusion. Cette dernière, qui diffuse elle-même ses programmes sur internet, a contesté la mise en demeure qui lui avait été faite par le CSA de ne pas s’opposer à la reprise de ses programmes par Playmedia.

La difficulté du litige soumis au Conseil d’Etat tient au fait que la notion française de “distributeur de services” n’a pas d’équivalent en droit communautaire. Celui-ci (article 31.1 de la directive 2002/22) subordonne la possibilité pour les Etats membres d’imposer le must carry à l’existence d’un nombre significatif d’utilisateurs finals de réseaux de communications électroniques qui les utilisent comme moyen principal pour recevoir des émissions de télévision. Le droit français, pour sa part, prévoit le must carry pour les “distributeurs de services”, qu’ils soient ou non exploitants des réseaux de communications électroniques et sans, par ailleurs, reprendre les conditions prévues par la directive 2002/22, notamment celle du nombre significatif d’utilisateurs finals.

Ce décalage explique les questions posées à la CJUE, qui tendent en substance à savoir si le droit français pouvait imposer une règle de must carry hors du cadre de la directive, sans en reprendre les conditions, à des entreprises qui n’exploitent pas de réseaux de communications électroniques, et de surcroît à une entreprise qui diffuse elle-même ses propres programmes sur internet, respectant ainsi l’objectif d’intérêt général tendant à garantir l’accès le plus large possible aux programmes de France Télévisions. La question est pour le moins délicate, sachant que l’article 31.1 de la directive prend le soin de préciser qu’une obligation de must carry ne peut être imposée que si elle nécessaire et proportionnée à la poursuite d’objectifs d’intérêt général. Voilà assurément une belle affaire posant, au travers de la question de l’articulation entre droit national et droit de l’Union, celle de la façon dont la loi de 1986 appréhende les nouveaux usages en ligne.

Francis Donnat

Secrétaire général de la Société Générale
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