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Lutte contre la corruption

Le questionnaire de l’Agence française anti-corruption

Tout en annonçant prévoir de contrôler chaque année une centaine d’acteurs privés et publics, l’Agence Française Anti-Corruption (AFA) a publié sur son site le questionnaire susceptible d’être adressé à toute entité contrôlée dans le cadre du respect des mesures de lutte contre la corruption mentionnées à l’article 17 de la loi Sapin II, applicables depuis le 1er juin 2017, et d’ores et déjà notifié à certaines entreprises (groupes français mais aussi filiales françaises de groupes internationaux).

Les entreprises disposent désormais d’un outil précieux pour confronter leurs dispositifs aux questions susceptibles d’être posées, voire anticiper un contrôle qui laisse a priori peu de temps à l’entité contrôlée pour fournir et documenter les éléments de réponse (de l’ordre de quelques semaines), voire s’en inspirer pour présenter , pour celles qui feraient  actuellement l’objet de poursuites pénales du chef de corruption, à la juridiction de jugement, un dispositif conforme à la nouvelle réglementation.

Ce diagnostic peut aussi conduire les équipes éthique, conformité et juridique à solliciter des moyens supplémentaires pour déployer l’ensemble du dispositif au sein du Groupe, sans avoir à rappeler aux dirigeants visés par la loi le fait qu’ils exposent leur responsabilité personnelle pour défaut de mise en place d’un tel dispositif.

Les entreprises vont pouvoir confronter leurs programmes existants au questionnaire regroupant 27 questions portant sur l’entité contrôlée, 6 questions sur la présentation du service conformité et du responsable désigné, 15 questions sur l’engagement de l’instance dirigeante, 11 questions sur le code de conduite, 18 questions sur le dispositif d’alerte, 15 questions sur les cartographies des risques anti-corruption, 21 questions sur l’évaluation des tiers, 13 questions sur les procédures comptables, 13 questions sur la formation, 9 questions sur le régime disciplinaire et 15 questions sur le dispositif de contrôle et d’évaluation du dispositif anti-corruption.

Les entreprises peuvent certes s’appuyer pour répondre, sur les recommandations publiées par l’AFA fin décembre 2017, destinées précisément à aider les personnes morales à prévenir et détecter les faits de corruption. Toutefois, comme rappelé dans l’avis publié concomitamment au Journal Officiel, ces recommandations restent dépourvues de force obligatoire et ne créent pas d’obligation juridique, de sorte qu’elles ne préjugent pas de la nature des manquements susceptibles d’être retenus par l’AFA.

Comment ne pas voir dans ce questionnaire un indice de plus illustratif de la déclinaison ainsi opérée, en matière de lutte contre la corruption dans le secteur industriel, de l’entier dispositif procédant du règlement CRBF 97-02 de février 1997 en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux dans le secteur bancaire, remplacé par l’arrêté de novembre 2014 ? On peut même se demander si les informations exigées chaque année au visa du Code monétaire et financier par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, au travers notamment des questionnaires dits « Tableaux BLANCHIMT » (QLB), ne seront pas un jour elles-mêmes transposées au secteur industriel en matière de lutte contre la corruption, au titre d’un contrôle permanent exercé par l’AFA.

Plusieurs sujets demeurent stratégiques pour les entités contrôlées. Par exemple, s’agissant du périmètre de la mission de contrôle, dans la mesure où le questionnaire AFA définit l’entité contrôlée comme « la société et l’ensemble des filiales ou sociétés qu’elle contrôle », les groupes disposant de filiales à l’étranger doivent-ils fournir autant de questionnaires que de filiales (ou d’un échantillon représentatif), et devoir ainsi coordonner avec leurs correspondants les réponses aux 163 questions précitées, en traduisant eux-mêmes le questionnaire en anglais ?

Par ailleurs, convient-il de rapporter à l’AFA les précédentes affaires de corruption traitées en interne et, partant, encourir la transmission au Parquet au visa de l’article 40 du Code de procédure pénale, ou de les taire au risque de se trouver en situation d’entrave dont l’AFA rappelle le risque dans son courrier d’envoi du questionnaire ?

Les mois à venir démontreront si l’AFA entend rester sur le terrain de l’efficacité de la prévention ou bien s’aventurer, dès l’issue d’un premier contrôle, sur celui de la répression via sa commission des sanctions, malgré la nouveauté du dispositif et la publication récente de ses recommandations de décembre 2017.

Par Ludovic Malgrain, Avocat Associé et Jean-Lou Salha, Counsel
Cabinet White & Case LLP, partenaire du Club des juristes

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