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L’interdiction de TikTok et WeChat par Trump cache un bras de fer Chine/États-Unis

Par ce réflexe protectionniste, les États-Unis font un pas vers le modèle de l’internet chinois, maître en censure d’applications étrangères.

Dans un contexte généralement acrimonieux à l’égard de la Chine, contre laquelle il vitupère sans retenue depuis son entrée en fonction, Donald Trump est dernièrement entré en guerre contre les applications chinoises TikTok et WeChat, qu’il considère comme une menace pour les intérêts américains. Leur mise en cause repose sur un slogan: elles collectent, ou plutôt collecteraient, des données personnelles de leurs utilisateurs pour le compte des autorités chinoises.

Contre-attaques face aux tentatives de blocage de TikTok et WeChat

Débutée il y a quelques mois, cette saga se poursuit avec encore de récents rebondissements. Nous voici à l’heure des contre-attaques! En effet, malgré les efforts du Président américain, ces applications plébiscitées par les plus jeunes sont aujourd’hui encore accessibles aux États-Unis et différentes voix s’élèvent contre leur interdiction.

Les États-Unis avaient ordonné que le 20 septembre 2020 le téléchargement de l’application de messagerie chinoise WeChat ne soit plus disponible sur l’App Store et Google Play. Or, le 19 septembre, la juge américaine Laurel Beeler a bloqué cet ordre présidentiel sur la base du premier amendement de la Constitution, invoquant la liberté d’expression. Le Département de la Justice américaine (DOJ) a depuis fait appel de cette décision.

En parallèle, l’administration Trump avait signé le 14 août 2020 un ordre visant à imposer au groupe chinois ByteDance la vente des activités américaines du réseau social TikTok sous 90 jours. Mais, le 27 septembre, suite à une requête de ByteDance, le juge américain Carl Nichols a émis une injonction préliminaire empêchant temporairement l’interdiction du téléchargement de TikTok. Si cette interdiction devait initialement être mise en place le 15 septembre, c’est désormais la date du 12 novembre qui est annoncée comme celle de la fin de TikTok aux États-Unis, si aucun accord n’est trouvé d’ici là entre l’administration américaine et ByteDance.

Entendant protéger les entreprises chinoises avec la même vigueur que l’Amérique pour ses entreprises, le 2 octobre dernier, lors d’une réunion de l’Organisation Mondial du Commerce (OMC), Pékin a accusé Washington de violer les règles du commerce international. À l’heure de ces lignes, la Chine n’aurait pas encore évoqué le dépôt d’une plainte officielle.

Que cache réellement ce bras de fer?

Chacun garde en mémoire la jubilation des TikTokeurs qui ont su piquer le Président Donald Trump, après que son premier grand meeting de campagne a été saboté suite à un appel relayé sur TikTok. Mais au-delà des conséquences de cette humiliation, dont les images sont encore utilisées contre lui pour dénigrer sa campagne, Donald Trump mène ici un combat qui illustre la guerre économique que se mènent les États-Unis et la Chine.

Plus encore, ce différend nous projette au cœur du vertigineux débat sur la souveraineté numérique. Et à ce jeu, Washington ne supporte pas qu’une puissance étrangère, qui plus est la Chine, se batte sur son terrain, avec des règles qui n’ont pas été choisies par les autorités américaines. Les accusations d’espionnage à l’origine de l’affaire ne sont pas sans rappeler les méthodes d’aspiration des données largement utilisées par les entreprises américaines telles que Facebook, Google ou encore Apple. Et s’il reste encore à prouver que TikTok et WeChat espionnent pour l’empire du Milieu, il est compris que les géants américains du numérique collaborent avec leur gouvernement.

On peut aussi se demander comment les États-Unis qui, à l’exception de la Californie, ne sont pas dotés d’une loi sur la protection des données personnelles, vont pouvoir interdire ces applications.

Par ce réflexe protectionniste, les États-Unis font un pas vers le modèle de l’internet chinois, maître en censure d’applications étrangères. Mais comme dit le slogan de Cambridge Analytica “Data drives all we do”. Le contrôle de cette fascinante et effrayante capacité de pouvoir et d’influence qu’offre la technologie semble aujourd’hui primer sur tout.

Par Martin Pradel, Avocat à la Cour, associé du cabinet Betto Perben Pradel Filhol, partenaire du Club des Juristes.

Retrouvez l’article sur le site du Huffington Post.

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