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Le Libra dans la tourmente

Face au développement de la crypto-monnaie de Facebook, les Etats craignent de voir leur souveraineté entamée et les banques redoutent d’être contournées.

Depuis des mois, le Libra agite les esprits. Entre promesses de faciliter les transferts de fonds pour ceux qui n’ont pas accès à un compte bancaire dans de nombreux pays et inquiétudes suscitées par la  puissance de Facebook , les enjeux sont multiples. Dès son lancement, rien n’empêchera les gens qui lui feront confiance de s’en procurer et de l’utiliser pour leurs transactions. Cela fait peur à beaucoup de gouvernements, vu le nombre d’utilisateurs de Facebook. Les aspects légaux et réglementaires sont désormais au coeur du débat.

L’alerte de la BCE

Afin de préserver sa valeur et sa stabilité, le Libra est adossé à un panier de devises (dollar, euro, yen, etc). Contrairement au bitcoin, il repose sur une structure centralisée gérée par une association (droit suisse) regroupant des membres détenant les droits de vote. Mais certains fondateurs parmi lesquels PayPal, Ebay, Visa et Mastercard se sont retirés à mesure que les banques centrales et les gouvernements ont émis des réserves.

En effet, les règles monétaires internationales concernant les monnaies étatiques, les crypto-monnaies risquent de leur échapper. La BCE alerte sur le risque nuisance et de parasitage que ferait peser le Libra. Selon le niveau de l’euro dans le panier de réserve, il pourrait réduire le contrôle de la BCE sur l’euro, nuire au mécanisme de transmission de la politique monétaire en affectant la position de liquidité des banques de la zone euro et porter atteinte à la position internationale de l’euro. La crainte des Etats est donc de voir leur souveraineté entamée alors que les banques redoutent d’être contournées car les consommateurs n’auraient plus besoin d’elles pour leurs achats, sans compter les inquiétudes concernant la protection des données et les potentielles utilisations malveillantes.

Un choix national

La France est un des pays les plus opposés. Par la voix du ministre de l’Economie, le Libra serait « une preuve supplémentaire de la volonté de certains intérêts privés de mettre la main sur le bien commun et de se substituer aux Etats. C’est inacceptable économiquement et démocratiquement ». Une position largement partagée puisque la Fed estime que la possibilité de voir adopté sans garanties juridiques suffisantes un système de paiement basé sur une monnaie numérique à l’échelle mondiale pourrait mettre les consommateurs en danger.

Les Etats ont la main sur la législation et il leur appartient de fixer les conditions d’utilisation de ce type de monnaies numériques. Pour l’heure, les banques centrales envisagent surtout de réagir en créant leur propre crypto-monnaie, mais il leur appartient en priorité de définir les règles du jeu de manière cohérente et concertée pour assurer la sécurité juridique de l’ensemble du système.  Au niveau européen , dès lors que le Libra permettrait de verser des espèces sur un compte, de faire des paiements et de stocker de la valeur monétaire sous forme électronique remboursable, ne pourrait-on pas y voir un « service de paiement » au sens de la directive sur les services de paiement ou considérer qu’il satisfait toutes les caractéristiques requises par la directive « monnaie électronique 2 » ? La faisabilité de ce type de projet de monnaie numérique suppose de répondre rapidement à ces interrogations.

Par Bruno Deffains, professeur de Droit et d’Economie à l’Université Paris II Panthéon-Assas, Président du pôle numérique du Club des juristes, expert du Club des juristes.

Bruno Deffains

Professeur de Droit et d'Économie à l'Université Paris II Panthéon-Assas, Président du Pôle numérique du Club des juristes
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