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L’arrêt Baby-Loup et le manager

En appliquant le concept européen « d’entreprise de conviction » au cas particulier de la crèche Baby-Loup assurant une mission d’intérêt général et pouvant donc « exiger la neutralité de ses employés », la cour d’appel de Paris a innové mais nullement remis en cause l’exigence de stricte neutralité dans les services publics ou le principe de liberté religieuse dans l’entreprise privée. Cet arrêt du 27 novembre 2013 n’apporte pas grand secours au manager français.

La CEDH avait déjà rappelé que « le droit de manifester sa religion sur le lieu de travail doit être mis en balance avec les droits d’autrui ». Et l’article L.1121-1 du Code du travail français admet des restrictions si elles sont justifiées et proportionnées, et répondent à une exigence professionnelle déterminante.

Quelles sont-elles ? Il s’agit tout d’abord des impératifs de santé et de sécurité : est légitime le licenciement d’une infirmière ayant refusé de retirer l’ostensible croix qu’elle portait au cou : elle pouvait se blesser mais aussi blesser des personnes âgées (CEDH, 15 janvier 2013). Idem pour le salarié d’un chantier de désamiantage refusant de raser sa barbe, rendant inopérante la protection de son masque (CS, 13 septembre 2012).

Autre restriction possible : le respect des obligations essentielles liées à l’activité. Le 24 mars 1998, la chambre sociale de la Cour de cassation a validé le licenciement d’un boucher ayant subitement refusé de manipuler la viande de porc : « Si l’employeur est tenu de respecter les convictions religieuses de son salarié, sauf clause expresse, celles-ci n’entrent pas dans le cadre du contrat de travail. L’employeur ne commet aucune faute en demandant au salarié d’exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché dès l’instant que celle-ci n’est pas contraire à une disposition d’ordre public. »

Enfin, l’image de l’entreprise ou les réactions négatives de clients peuvent être invoquées pour restreindre la liberté religieuse. Dans le cas d’une hôtesse de l’air britannique qui portait ostensiblement une croix autour de son cou, il fallait trancher entre « le désir de la requérante de manifester sa foi et le souhait de son employeur de véhiculer une certaine image de marque : si ce dernier objectif est sans conteste légitime, les tribunaux internes lui avaient accordé trop de poids », a jugé la CEDH le 15 janvier 2013. En dehors de toute discrimination, si collègues et clients manifestent leur désapprobation, seul le « trouble objectif grave » démontré par l’employeur peut permettre de licencier le salarié, pour simple cause réelle et sérieuse (CS, 9 mars 2011).

Toute la question est de ne pas confondre esprit ouvert et esprit béant.

Jean-Emmanuel Ray

Jean-Emmanuel Ray

Professeur émérite de l'Ecole de Droit de la Sorbonne
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