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L’Affaire Martinot ou Prométhée congelé – Le juge, la mort et le rêve d’immortalité

 

Cet ouvrage a été récompensé par le Prix Olivier Debouzy 2016 de l’agitateur d’idées juridiques de l’année, remis par le Club des Juristes et le cabinet August & Debouzy. 

A sa mort, le docteur Martinot chargea son fils Rémy  de congeler son corps, comme lui- même l’avait fait pour son épouse dans l’attente du jour ou les progrès de la science lui permettraient de revenir à la vie. La mort expliquait t- il, en 1987, dans le cadre d’une série  d’émissions médicales pour la télévision anglaise, n’est pas une fatalité mais une anomalie, non un destin à subir mais une erreur à corriger.  C’est  au début des années 1960 que la cryonie est sortie du champ de la fiction.  Elle est devenue une technique au service de la doctrine. La technique est celle  de la congélation  des corps humains   à basse température (-186°C), effectuée dans des conditions précises et déterminées, aux fins de conservation pour une durée indéterminée.  Le but étant de ramener à la vie la  personne décédée lorsque les progrès de la science seront en mesure d’inverser les processus de vieillesse et de mort. Au cœur de cette « doctrine cryonique » se trouve le mythe de  Prométhée. En volant le feu aux dieux, Prométhée s’est révolté contre la colère et l’injustice de Zeus, qui, estimant que l’humanité présente était imparfaite, désira la faire disparaître pour lui en substituer une nouvelle. Pour le punir Zeus le fit enchaîner sur le Caucase, un aigle venant chaque jour lui dévorer le foie. Une lecture moderne  de ce qui demeure l’un des mythes fondamentaux de l’imaginaire fait du héros du mythe le symbole de la prise de pouvoir de l’homme sur son destin. Il n’a pas découvert le secret de l’immortalité. Il le déchiffrera peut être. Ce jour-là Prométhée se rendra  semblable aux dieux.  Gageons qu’il y emploiera tous les moyens, quitte à se faire congeler dans un caisson.

 Ce défi affronte t- il un interdit fondamental ? Au nom de quoi le lui interdire ? De quel droit ? Le but ultime  de Prométhée, celui de vaincre la mort, ne signerait-il pas  l’acte de décès de l’homme ?

L’essai de Jérôme Michel, Maître des requêtes au Conseil d’Etat, tente de répondre à ces questions par l’exégèse de l’affaire Martinot qui nous conduit aux « confins du droit ». Cette affaire,  au croisement de la science, de la fiction  et du droit, a défrayé la chronique il y a une décennie. Les médias généralistes, français et étrangers en rendirent  régulièrement compte. Les deux ordres juridictionnels, judiciaire et administratif, furent saisis. De nombreux commentaires furent publiés dans des revues spécialisées. L’arrêt du Conseil d’Etat du 6  janvier 2006  en fut le dernier acte contentieux. Il rejeta l’ensemble des demandes de Rémy Martinot  en considérant que si le choix du mode de sépulture est « intimement lié à la vie privée et que par celui-ci une personne peut entendre manifester ses convictions » celui-ci  peut cependant faire l’objet de restrictions, notamment dans l’intérêt  de l’ordre et de la santé publique. Ainsi, les dispositions du Code Général des collectivités territoriales, en n’autorisant après le décès d’une personne, que  l’inhumation ou la crémation de son corps, lesquelles visent à organiser les modes de sépulture selon les usages et à protéger la santé publique, ne sont pas disproportionnées  par  rapport à ces objectifs et ne méconnaissent pas, par suite, les stipulation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En déclarant illégale la cryogénisation, le juge rappela la rude leçon de l’Ecclésiaste : « tout a été fait de la poussière  et tout retourne à la poussière »

Par piété filiale, Rémy Martinot fit part de son intention de saisir la cour européenne des droits de l’homme. Mais les intermittences de la fée électricité ne lui en donnèrent  pas l’occasion  puisqu’une panne a affecté les caissons de congélation installés dans une crypte du château familial de Nueil-sur-Layon  (Maine et Loire) contraignant Rémy Martinot à incinérer ses parents.

Mais  de quel droit le juge peut- il imposer une vision sacrificielle vouant  la dépouille  mortelle  à disparaître ? Que dit le droit de la mort à l’heure ou cette dernière est devenue un tabou et alors qu’émerge, porté par le transhumanisme la perspective scientifique d’une humanité « post mortelle » ? Le désir d’immortalité peut- il devenir un droit de l’homme ?

C’est à ces questions que  tente de répondre cet essai, bref et brillant,  qui s’adresse à tous ceux qui prêtent une attention particulière au monde tel qu’il advient.

Ces questions ne sont pas  seulement  juridiques, elles sont, aussi, politiques, philosophiques et morales.

N’est-ce pas  Prométhée lui-même qu’il faudrait mettre, désormais, au congélateur ?

Jérôme Michel, Maître des requêtes au Conseil d’Etat, enseignant à l’Institut  d’études politiques de Paris et à l’université du Caire – LGDJ Collection Exégèses  – Décembre 2015        

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