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Juge constitutionnel. Séisme sur la procédure pénale.

En déclarant inconstitutionnel, le 4 avril dernier, l’article L. 8271-13 du Code du travail, le Conseil constitutionnel a rendu une décision dont la portée dépasse largement les perquisitions et saisies en droit pénal du travail pour concerner les enquêtes de police et l’information judiciaire dans leur ensemble.

Relatif à la recherche et à la constatation des délits de travail dissimulé, l’article L. 8271-13 du Code du travail prévoit que le président du TGI peut autoriser les officiers de police judiciaire à procéder à des visites domiciliaires, perquisitions et saisies. Mais il ne précise pas si son ordonnance peut faire l’objet d’un recours. Ce silence a été mis en avant par la chambre criminelle, dans un arrêt du 16 janvier 2002 (Cass. crim., 16 janv. 2002, n° 99-30.359 : Bull. crim. 2002, n° 4), pour refuser qu’un pourvoi en cassation puisse être formé contre elle. Elle a considéré qu’elle peut seulement faire l’objet d’un recours en nullité en application des articles 173 et 385 du Code de procédure pénale. C’est ce régime qui a été censuré, le Conseil constitutionnel ayant considéré qu’il est contraire au droit d’exercer un recours effectif découlant de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen au motif qu’il ne permet pas à une personne, qui ne fait pas l’objet de poursuites, de contester la décision du président du TGI et la régularité des opérations.

La décision du Conseil condamne d’abord le régime des enquêtes de police, puisque celui-ci subordonne pareillement les recours contre les actes d’investigation à l’engagement de l’action publique par le biais d’une information judiciaire ou de la saisine d’une juridiction de jugement. Il s’ensuit que les justiciables n’ont pas moyen de contester les gardes à vue, perquisitions ou saisies dont ils ont fait l’objet si l’enquête ne débouche pas sur des poursuites contre eux. C’est la constatation qui a conduit le Conseil constitutionnel à déclarer l’article L. 8271-13 du Code du travail contraire à la Constitution. Les articles du code de procédure pénale relatifs aux actes d’enquête donnant lieu à une atteinte aux libertés et droits fondamentaux sont donc de la même façon inconstitutionnels, puisqu’ils ne prévoient pas de voie de recours contre ceux-ci. La décision du 4 avril ouvre ainsi la voie à une contestation de la constitutionnalité de l’ensemble des articles du Code de procédure pénale qui autorise les forces de police à accomplir, en enquête préliminaire ou de flagrance, les gardes à vue, perquisitions et saisies.

La décision du Conseil condamne aussi le régime de l’information judiciaire, étant donné qu’il ne permet pas de contester certaines décisions du juge d’instruction portant atteinte à des droits et libertés fondamentaux. Les justiciables n’ont pas de recours, par exemple, contre les ordonnances en matière de perquisitions ou d’interceptions de communications. La chambre criminelle refuse en effet que leurs motifs fassent l’objet d’un contrôle pour n’autoriser que celui de leur exécution. Cette absence de contrôle est formellement condamnée par la décision du 4 avril dans laquelle l’inconstitutionnalité de l’article L. 8271-13 du Code du travail a aussi été fondée sur l’absence de voie de droit permettant de contester la décision autorisant une perquisition. Cette censure est d’autant plus remarquable que cette décision est prise par un juge. Il s’en déduit que la qualité de juge de l’autorité qui décide d’un acte attentatoire aux droits et libertés fondamentaux ne dispense pas de la prévision d’une voie de recours contre sa décision. Ce faisant, c’est bien le régime de l’information judiciaire qui est remis en cause où l’absence de recours contre ses ordonnances en matière de perquisition ou d’écoutes téléphoniques est souvent justifiée par sa qualité de juge. La décision du 4 avril 2014 réduit à néant cette argumentation en exigeant qu’une décision portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux fasse, dans tous les cas, l’objet d’un recours.

La décision du Conseil condamne enfin la chambre criminelle dont l’arrêt du 16 janvier 2002 (n° n° 99-30.359, préc.) est visé comme étant la cause de l’inconstitutionnalité de l’article L. 8271-13 du Code du travail ! Car c’est bien son refus d’admettre un pourvoi en cassation contre la décision du président du TGI qui est condamné. Cette décision offre ainsi un exemple d’appréciation et de censure par le Conseil constitutionnel d’une jurisprudence de la Cour de cassation. Il est aussi important pour cela.

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Didier Rebut

Didier Rebut

Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas et Directeur de l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris
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