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Immunité souveraine d’exécution : quelles priorités ?

Le créancier qui dispose d’un jugement ou d’une sentence arbitrale contre un l’Etat étranger peut-il saisir ses avoirs en France et lesquels ?

Dans le contexte des sagas judiciaires qui opposent le fonds Elliott à l’Argentine et les actionnaires de Yukos à la Russie, l’article 24 du projet de loi Sapin 2 du 30 mars 2016, dont l’objet est de codifier le régime des immunités d’exécution, intervient, dans un sens favorable aux Etats, sur une jurisprudence conforme au droit international.

Les biens des Etats étrangers sont insaisissables en France sauf si l’Etat a renoncé à son immunité d’exécution ou si la saisie vise des biens affectés à une activité civile ou commerciale de l’Etat ou son émanation. Il suffit qu’une renonciation soit claire et expresse. Depuis le 13 mai 2015, la Cour de cassation n’exige plus, pour qu’une renonciation porte aussi sur les comptes bancaires d’ambassades ou sur des créances fiscales à l’endroit de sociétés françaises tierces, une mention spéciale visant ces biens. Cette solution est conforme à la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques qui ne protège que les locaux, mobiliers et véhicules d’ambassades et biens personnels de ses agents, et à la Convention de New York sur les immunités du 2 décembre 2004, non encore en vigueur, que la France a signée et ratifiée et doit, selon le droit international, respecter.

C’est pourtant ce que veut changer le projet Sapin 2, qui ressuscite la double exigence de renonciation expresse et spéciale s’agissant des biens diplomatiques. Le Conseil d’Etat a rendu, le 24 mars 2016, un avis estimant conforme aux engagements internationaux de la France le projet d’article L. 111-1-2 du Code des procédures d’exécution. Ce texte, déclarant insaisissables sauf renonciation expresse et spéciale, tous les biens affectés aux ambassades sans distinction, renie la signature internationale française. Il faut le modifier.

En revanche, le projet de loi ne se préoccupe pas des saisies que les créanciers des Etats opèrent entre les mains de tiers, en pratique des multinationales françaises, sur leurs dettes fiscales et parafiscales envers les Etats débiteurs. Situation fréquente : ces derniers n’admettent pas le caractère libératoire de la saisie, le tiers saisi français s’exposant à payer deux fois. Le juge anglais l’a compris, qui subordonne la saisie à l’absence de double paiement. Le droit français n’offre pas aux entreprises nationales cette légitime protection, tolérant un transfert de risque à leur détriment. Le législateur devrait avoir à cœur de le prévenir et l’occasion se présente.

Les débats parlementaires prochains permettront-ils de revoir ces priorités ?

Elie Kleiman

Elie Kleiman

Avocat à la Cour, Jones Day
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