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Hâte-toi lentement: Sommes-nous programmés pour la vitesse du monde numérique ? de Lamberto Maffei

En vagabondant dans la salle des Cinq- Cents du Palazzo Vecchio à Florence, Lamberto Maffei  est attiré par des images étranges aperçues au plafond et sur les murs. Il s’agit de tortues qui portent sur leur carapace une grande voile gonflée par le vent. Elles sont nombreuses et en regardant plus attentivement, il distingue aussi le texte qui les accompagne : Festina lente (Hâte toi lentement).

Lamberto Maffei, président de l’Académie des Lyncéens -la plus ancienne académie scientifique d’Europe- et professeur émérite de neurobiologie à l’Ecole normale supérieure de Pise, est l’auteur d’un brillant manifeste où les recherches sur le cerveau côtoient la philosophie, la biologie, l’économie et l’histoire de l’art.

Pour l’auteur, notre système cérébral fonctionne sur deux temps différents : la pensée rapide, automatique ou semi-automatique, nécessaire au départ à la survie de l’espèce et la pensée lente, « propre aux animaux supérieurs et particulièrement développée chez l’homme », celle du langage et de la réflexion.

Avec l’avènement du monde numérique, la pensée rapide l’emporte, de moins en moins réfléchie, elle est toujours plus immédiate. Le temps semble se réduire sous l’action de la technologie et de la merchandisation. Nous sommes toujours connectés, sollicités à répondre et à réagir avec empressement à des courriels, tweets, SMS, vidéos, happés par une véritable frénésie visuelle et cognitive. Même la politique et l’éducation subissent aussi ce changement.  Nos esprits se reformatent pour aller vite. La culture de la rapidité domine dans les relations et les décisions. L’action immédiate l’emporte sur la réflexion.

En s’appuyant sur ses connaissances scientifiques, mais aussi artistiques et littéraires, l’auteur nous montre que la nature même de notre cerveau  n’est pas adaptée à la vitesse qui nous entoure et que l’on risque de perdre beaucoup dans cette précipitation. Tout cela finira, peut-être, par avoir des répercussions, nous dit l’auteur, y compris sur la physiologie du cerveau,  avec le développement   de la partie liée à la pensée rapide aux dépens de celle qui contrôle la réflexion. Des explications anatomiques  claires et concises, des exemples nombreux viennent éclairer le raisonnement.

L’auteur nous met en garde : « Une prévalence excessive des mécanismes rapides de la pensée pourrait entraîner des solutions ou des comportements erronés, des dommages dans l’éducation et dans la vie civique, et déclencher dans la tête de l’homme des rêves de domination sur la nature et sur l’homme  même ». Il fait l’éloge de la pensée lente et nous invite à redécouvrir les potentialités et les avantages d’une civilisation pratiquant la réflexion, basée notamment sur le langage et sur l’écriture, et à redonner la priorité au temps du cerveau plutôt qu’à celui des machines.

En conclusion, il reprend sa promenade au Palazzo Vecchio ; il regarde à nouveau les tortues à voile ; il repense à Côme Ier qui les  a fait peindre, et au « festina lente » écrit, encore et encore, sur les voûtes des salles, comme s’il s’agissait d’une admonestation de la sagesse du monde, d’un avertissement qui ne semble pas être joué par le pipeau de quelques philosophes de passage mais qui semblent vouloir exhorter à une sagesse inutile, impossible parce que les règles du cerveau humain sont ainsi.

Lamberto Maffei Hâte-toi lentement: Sommes-nous programmés pour la vitesse du monde numérique ? – FYP Éditions – Traduit de l’italien par Lucia Di Bisceglie avec Camille Zabka  – Avril 2016

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