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Experts en évaluation de parts ou actions : ce qui change

L’article 1843-4 du Code civil permet de faire intervenir un expert désigné par les parties ou par le juge pour dire la juste valeur des parts ou actions d’une société. Depuis quelques années, la jurisprudence estimait que tant que la cession n’était pas parfaite, il était toujours possible à l’une des parties de faire intervenir l’expert, et ce, même en présence d’un prix ou d’une méthode de détermination du prix, que l’expert n’était pas tenu de suivre.

Cette solution suscitait l’émoi, puisqu’il devenait impossible de déterminer par avancdie le prix d’une cession, l’une ou l’autre des parties pouvant toujours contester la valorisation convenue. Beaucoup de conventions ou de pactes d’actionnaires faisaient néanmoins, et font encore, référence à l’article 1843-4, qui assure aux parties de pouvoir finaliser la cession dans des hypothèses où il est incertain qu’un accord sur le prix intervienne (par exemple, parce que la cession est imposée à un associé par une clause de rachat forcé).

Sensible aux critiques suscitées par la jurisprudence (qui a d’ailleurs évolué récemment), le législateur a habilité en début d’année le gouvernement à modifier l’article 1843-4, et le 31 juillet 2014, une ordonnance a modifié le champ d’application du texte, tout en imposant à l’expert de respecter la valorisation ou les indications des parties.

De nouvelles difficultés

Une nouvelle difficulté apparaît. Là où l’article 1843-4 s’appliquait précédemment « dans tous les cas où sont prévus la cession (…) ou le rachat », il ne vise plus que deux hypothèses : le cas où la loi fait référence au texte, et celui où le transfert est prévu par les statuts. Le rédacteur de pactes d’actionnaires ne peut ignorer cette modification du champ d’application du texte. Peut-on encore se soumettre à 1843-4 par une clause y faisant référence, en dehors des cas qu’il vise ? Un autre texte du Code civil – l’article 1592, qui a d’autres inconvénients – permet de faire intervenir un tiers évaluateur dans toute vente. N’est-ce pas à ce texte qu’il faut faire référence désormais ? Et quid des contrats antérieurement conclus ?

Pour les conventions nouvelles, c’est sans doute prendre un petit risque que de faire jouer un texte dans une hypothèse qu’il ne prévoit pas, en étendant conventionnellement son champ d’application. Mais il est peu probable que les tribunaux laissent les parties en plan, et jugent qu’un renvoi à l’article 1843-4 prive le contrat de prix. On pourra éventuellement considérer que le renvoi à 1843-4 vaut désormais renvoi à 1592.

Pour les conventions déjà conclues, la solution la plus probable est que la référence à l’article 1843-4 demeure parfaitement valable. Pas besoin de tenter de modifier les contrats et pactes déjà signés à la seule fin d’y substituer l’article 1592 à l’article 1843-4. En admettant qu’une telle opération soit seulement possible en pratique, elle serait fort mauvaise tant pour l’image des praticiens procédant à ce « rappel de contrats » comme un constructeur automobile prenant conscience d’un défaut technique, que pour celle du droit français.

Bruno Dondero

Bruno Dondero

Professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne
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