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Entreprise Et Intérêt Général : Une Relation à (re)définir

Entreprise et intérêt général : une relation à (re)définir

Quelle place pour l’entreprise d’aujourd’hui dans la société d’aujourd’hui ? Une question posée par le rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Senard, respectivement ancienne dirigeante de la CFDT et fondatrice de Vigeo Eiris, et président de Michelin.

Une question complexe car l’entreprise, en tant que mode d’organisation de l’activité des individus, se situe entre ciel et terre : ciel de l’intérêt général, à la réalisation duquel elle participe par la création de richesse et d’emplois, par l’innovation et la concurrence qu’elle suscite mais terre des intérêts particuliers car elle est le lieu privilégié de l’accomplissement de projets personnels, de la prise de risques, de la réussite ou de l’échec.

L’entreprise peut-elle participer effectivement à l’intérêt général autrement que par la réalisation de son objet économique ? Ce qui est sûr, c’est que le législateur voit en elle un rouage essentiel dans la réalisation des valeurs d’intérêt général. Cela a commencé par la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) qui implique que les entreprises « intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec les parties prenantes sur une base volontaire »[i]. Puis d’autres textes sont venus porter les valeurs  de transparence  – la loi du 15 mai 2001 sur les Nouvelles régulations économiques, celles  du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement et du 17 août 2015 sur la transition énergétique – et plus récemment les valeurs d’éthique-anticorruption  et vigilance. Un droit mou sans cesse croissant – normes, chartes éthiques, codes de bonne conduite, etc. – s’est ainsi progressivement agrégé à un droit dur.

Peut-on, doit-on aller au-delà ? Sans doute, si la mission première des entreprises ne s’en trouve pas affectée et que des solutions simples et réversibles sont possibles comme les « B Corp » américaines. Cela nécessite, en toute hypothèse, une étude d’impact poussée afin de s’assurer que les inévitables frictions avec le droit boursier ou le droit pénal sont anticipées et traitées. Plus fondamentalement, en rendant les entreprises débitrices d’obligations propres à l’Etat, le législateur ne prend-t-il pas le risque de faire trembler les fondations mêmes du libéralisme économique ? D’une économie fondée sur le risque, on pourrait glisser, au motif de redonner de la légitimité à l’entreprise, au culte de l’intérêt général et de la conformité. Or, si l’entreprise, en tant que structure économique, participe effectivement à l’intérêt général, il faut se rappeler les mots volontairement provocateurs d’Adam Smith : « Je n’ai jamais vu que ceux qui aspiraient, dans leurs entreprises de commerce, à travailler pour le bien général, aient fait beaucoup de bonnes choses[ii].

[i] Doc. COM (2001), 18 juill. 2001, « Livre vert, promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises ».

[ii] La richesse des nations, Paris, 1859, liv. IV, chap 2.

Par Loraine Donnedieu de Vabres-Tranié, Avocat Associée du Cabinet Jeantet et Expert du Club des juristes et Laurent Saenko, Maître de conférences à l’Université Paris–Sud et Membre du CERDI (Centre d’Etudes et de Recherche en Droit de l’Immatériel)

Loraine Donnedieu De Vabres

Loraine Donnedieu de Vabres-Tranié

Avocat associée, Tactics
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