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COP 21 : Prendre les traités au sérieux

Le secrétaire d’Etat américain John Kerry vient d’affirmer au « Financial Times » que la conférence climatique n’aboutira pas à un accord juridiquement contraignant. A la veille de la COP 21, il n’est pas inutile de se poser une question simple : que valent les traités conclus en matière environnementale ? Engagent-ils réellement les Etats ? Dans son dernier rapport, la Commission Environnement du Club des juristes dresse un bilan et formule 21 propositions pour « Renforcer l’efficacité du droit international de l’environnement ».

Le constat est clair : faute de mécanismes de sanction efficaces, les Etats peuvent délibérément choisir de violer les traités qu’ils ont signés. Lorsque deux particuliers concluent un contrat, ils prennent un risque à ne pas l’exécuter. Mais les Etats, pour leur part, peuvent s’abriter derrière leur souveraineté. Exemple : en 2011, le Canada réalise qu’il ne pourra pas respecter les objectifs du Protocole de Kyoto (croissance des émissions de 28% au lieu d’une baisse de 6%). Pour échapper à toute sanction, il décide alors de se retirer unilatéralement du Protocole.

Encore faut-il d’ailleurs qu’un traité ait été conclu. Car la gouvernance mondiale de l’environnement se heurte à la lenteur, voire la paralysie du processus d’élaboration des normes. L’échec du sommet de Copenhague l’a montré : les négociations peuvent s’enliser. Les diplomates sont confrontés à un dilemme : soit un accord ambitieux et contraignant, soit un accord universel, réunissant un grand nombre d’Etats. Les deux objectifs sont incompatibles. In fine, l’alignement se fait souvent par le bas, au profit de textes généraux, ambigus et peu normatifs.

On ne peut pas se satisfaire de cette situation. La crise écologique est bien réelle et elle ne s’arrête pas aux frontières des Etats-nations. C’est évidemment à l’échelle internationale que les normes doivent être adoptées. Dès lors, le défi est immense pour les juristes : comment faire en sorte que ces normes soient efficaces ?

Le rapport propose d’amender la conception du droit international héritée du XIXe siècle : un droit conçu par les Etats, pour les Etats. Aujourd’hui, les acteurs privés – les « non state actors », dans la terminologie anglo-saxonne – jouent un rôle majeur sur la scène internationale. Entreprises, ONG ou collectivités territoriales sont directement concernées par les traités.

Pour rendre plus effectif le droit international de l’environnement, il faut que la société civile s’en empare. Le rapport décline ce fil directeur à chaque étape. Lors de l’élaboration des traités, il propose d’institutionnaliser le rôle des acteurs non étatiques, qui auraient un droit d’initiative, pour inciter les Etats à agir. Lors de leur application, ces acteurs devraient pouvoir saisir les comités de suivi internes aux traités ou présenter des observations devant la Cour internationale de justice. Surtout, le juge national doit devenir un juge international de droit commun, et veiller au respect par les Etats de leurs engagements.

Le Protocole de Paris, s’il est adopté, ne sera pas suffisant : encore faut-il garantir que ce texte soit ultérieurement appliqué de manière effective.

Yann Aguila

Yann Aguila

Avocat à la Cour, Bredin Prat
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