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Contentieux climatique, par Emmanuelle Brunelle, avocat Freshfields Bruckhaus Deringer, partenaire du Club des juristes

 Contentieux climatique – Le contentieux climatique devant le juge
judiciaire : des réponses encore attendues

Assignation de TotalEnergies par plusieurs associations de défense environnementale pour pratiques commerciales trompeuses (greenwashing), mise en demeure de BNP Paribas pour manquement à ses obligations au titre du devoir de vigilance … : les évolutions récentes du contentieux climatique confirment le risque juridique qu’il représente pour les entreprises et des réponses sont encore attendues sur nombre de sujets.

S’agissant des actions relatives au devoir de vigilance, l’accumulation des contentieux a permis certaines précisions nécessaires. D’abord, le législateur a entériné la compétence du tribunal judiciaire de Paris pour connaître des actions fondées sur la loi sur le devoir de vigilance. Ensuite, la Cour de cassation a précisé la règle de conflit de loi applicable à la qualité à agir pour la défense d’un intérêt collectif. De manière favorable aux associations, elle décide que les associations qui agissent devant les juridictions françaises auront qualité à agir aux conditions fixées par la loi française, même si les faits ou le dommage sont survenus à l’étranger.

Pour autant, certaines clarifications restent attendues en matière de devoir de vigilance. D’abord, la proposition de directive européenne sur le devoir de vigilance devrait préciser des notions clés − les « incidences potentielles ou réelles sur les droits de l’homme et sur l’environnement » ou « les relations commerciales établies » − ainsi que la nature des actions de prévention et d’atténuation des risques. Elle devrait aussi prévoir des conditions d’exonération de responsabilité en cas de dommages causés par des partenaires commerciaux indirects.

Ensuite, l’activisme des associations qui se saisissent de l’ensemble des fondements juridiques disponibles doit être l’occasion d’une clarification de l’articulation des régimes de responsabilité civile des entreprises. Sur le fondement des articles introduits par la loi sur le devoir de vigilance, les associations se prévalent, d’une part, de l’article L. 225-102-4 du Code de commerce (qui impose notamment l’édiction d’un plan de vigilance) en mettant en demeure les sociétés de s’y conformer avant d’agir en justice pour les y enjoindre, sous peine d’astreinte. La mise en demeure récente d’une banque pour son financement des énergies fossiles est ainsi synonyme d’un nouveau front de contestation à l’égard du secteur financier. Les associations engagent, d’autre part, la responsabilité civile délictuelle des sociétés pour réparer le préjudice que la bonne exécution des obligations de l’article L. 225-102-4 aurait permis d’éviter (V. C. com., art. L. 225-102-5), la question du lien de causalité devenant alors centrale.

S’agissant du devoir d’information, l’actualité récente a également permis certaines précisions. C’est d’abord la communication des groupes sur leurs engagements climatiques à l’égard des consommateurs qui a été contestée pour pratiques commerciales trompeuses. Récemment, le tribunal judiciaire de Paris s’est efforcé d’examiner le sens et la portée de publications présentant une offre « neutre en carbone » pour déduire le caractère adéquat des explications fournies. Le législateur a, par ailleurs, posé l’interdiction de mentionner dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone, sauf à rendre des éléments disponibles au public. Ce sont désormais les obligations de publications de la loi sur le devoir de vigilance qui sont source de contentieux. Les entreprises doivent publier le plan de vigilance et le compte rendu de sa mise en œuvre effective (C. com., art. L. 225-104- 1, al. 5), ainsi que les informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l’activité de la société (C. com., art. L. 225-102-1 III). La publication de ces informations dans le document de référence ne saurait faire l’objet d’actions pour pratiques commerciales trompeuses, ce document n’entrant pas dans leur champ d’application. Un risque de manquement ou délit de diffusion d’information fausse ou trompeuse pèse néanmoins sur les sociétés cotées.

Les incertitudes qui entourent ce contentieux invitent à garder une attention particulière sur ses prochains développements. Alors qu’un contentieux administratif initié par l’Association Les Amis de la Terre a abouti à la condamnation récente de l’État au paiement d’astreintes pour son inaction en matière de pollution de l’air, le juge judiciaire doit encore résoudre des questions complexes, quitte à s’adjoindre les services d’un amicus curiae avant de rendre ses premières décisions en la matière.

Emmanuelle Brunelle, avocat Freshfields Bruckhaus Deringer, partenaire du Club des juristes

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