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CJIP, par Bruno Quentin, avocat associé Gide Loyrette Nouel, expert du Club des juristes

CJIP – Aggiornamento des lignes directrices du PNF pour la CJIP

En publiant, le 16 janvier 2023, des « lignes directrices sur la mise en œuvre de la convention judiciaire d’intérêt public », le Parquet national financier (PNF) a affiché une volonté de répondre à un triple objectif de visibilité, de transparence et de prévisibilité quant aux conditions dans lesquelles il applique cet instrument procédural transactionnel qui permet, pour les personnes morales et pour certaines infractions, d’éteindre l’action publique sans reconnaissance de culpabilité en contrepartie, à titre principal, du paiement d’une amende d’intérêt public. Cet exercice n’est pas une première : le 26 juin 2019, le PNF avait déjà présenté ses premières lignes directrices, conjointement alors avec l’Agence Française Anticorruption, à un moment où la quasi totalité des CJIP validées portaient sur des dossiers de corruption.

L’exercice qui vient d’être renouvelé porte, cette fois-ci, aussi bien sur ce domaine que sur les dossiers de fraude fiscale auxquels la CJIP est applicable depuis la loi du 23 octobre 2018. S’il peut paraître surprenant que le PNF, même en tant que parquet spécialisé, édicte lui-même sa propre doctrine, alors qu’il n’a pas le monopole de la conclusion de CJIP, cette initiative vise à combler une double lacune : celle de la loi, d’abord, puisque la CJIP, adoptée dans le cadre de la loi Sapin II du 9 décembre 2016, n’a pas donné lieu à la définition d’un cadre juridique totalement achevé et pensé dans sa globalité alors que son introduction était un bouleversement majeur dans notre droit pénal ; celle de la Chancellerie, ensuite, dont la Direction des affaires criminelle et des grâces, en charge de la politique pénale, n’a guère contribué à ce jour à donner un éclairage utile sur les modalités de mise en œuvre de la CJIP, avec seulement deux circulaires évoquant de manière minimaliste, le 31 janvier 2018 et le 2 juin 2020, ce nouvel instrument. Sur le fond, trois clarifications importantes ont été apportées par les lignes directrices du PNF.

La première porte sur l’état d’esprit attendu en vue de négocier une CJIP, à savoir « une coopération de bonne foi », qui doit notamment s’illustrer par une volonté de participer à la manifestation de la vérité et d’adopter des mesures correctives. La recherche d’un accord minimaliste qui viserait exclusivement, sans forme de résipiscence, à rechercher l’arrêt des poursuites en contrepartie du paiement d’une amende ne s’inscrirait pas dans cette logique.

La deuxième concerne le statut des échanges qui interviennent pendant cette négociation et le sort des documents qui peuvent être versés par la personne morale visée soit pour définir le champ de la négociation, soit pour calculer le montant de l’amende : il est acté que ces informations sont couvertes par la confidentialité. La troisième concerne l’indication – pondérée et chiffrée – de facteurs majorants et minorants qui peuvent intervenir dans la détermination du montant de l’amende. Même s’il ne s’agit pas là d’une science exacte, le spectre fixé pour chacun de ces facteurs a le mérite d’exister et de pouvoir être invoqué à l’égard du PNF qui les a lui même édictés.

Pour autant, une interrogation majeure subsiste à la lecture de ces nouvelles lignes directrices, car elle porte en réalité sur une absence : il s’agit du traitement de la poursuite – ou non, et suivant quelles modalités – des personnes physiques mises en cause parallèlement à la négociation d’une CJIP. La récente affaire Bolloré qui a donné lieu, lors d’une même audience, pour des mêmes faits, à la validation d’une CJIP et au refus de l’homologation de la Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) pour les personnes physiques, en est une illustration topique. En réalité, cette dernière réserve constitue davantage une invitation faite au législateur d’approfondir sa réflexion sur le champ d’application et les conditions de mise en œuvre de la CJIP – et plus largement de la justice pénale négociée – qui a apporté une réponse pragmatique au traitement de dossiers que la justice pénale « classique » a toujours eu beaucoup de difficulté à juger, a fortiori dans des délais raisonnables.

Ce travail du législateur doit désormais être entrepris sans attendre à un moment où l’institution judiciaire est confrontée, avec des moyens limités, au défi de rendre une meilleure justice, notamment dans des dossiers complexes, dans des délais plus rapides.

CJIP, par Bruno Quentin, avocat associé Gide Loyrette Nouel, expert du Club des juristes

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