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Le Bitcoin, non mais allô quoi !

La journée du 9 janvier 2018 aura été marquée par un échange des plus insolites. Acte 1 : Nabilla, qu’on ne présente plus, poste sur son compte Snapchat une vidéo dans laquelle, déambulant vêtue d’un simple peignoir blanc, elle vante les mérites des crypto-monnaies « grave en train de se développer », conseillant à ses « chéris » d’y « aller les yeux fermés » puisqu’il n’y aurait « rien à perdre ». Acte 2 : l’AMF riposte sur Twitter en moins de 140 signes : « #Nabilla Le #Bitcoin c’est très risqué ! On peut perdre toute sa mise. Pas de placement miracle. Restez à l’écart ».

On peut évidemment rester songeur, voire interdit, devant cet échange « épistolaire » entre une starlette de télé-réalité et notre éminent gendarme boursier, par réseaux sociaux interposés. Voilà qui alimentera peut-être la réflexion des sociologues sur la mutation des liens sociaux.

Sur le plan juridique toutefois, l’affaire est moins anecdotique qu’il n’y paraît. Placement spéculatif par excellence, – son cours s’était envolé de +1.400% en 2017 avant de perdre depuis plus de 40% de sa valeur –, le Bitcoin et plus généralement les crypto-monnaies n’ont pas de statut juridique propre et échappent pour l’instant à toutes les réglementations protectrices des investisseurs.

Dans sa vidéo, Nabilla, décidemment inspirée, ne se contente pas de faire l’apologie du Bitcoin. Elle recommande aussi de passer par un site de trading, TraderLeBitcoin. Or l’AMF fait preuve d’une extrême vigilance à l’égard des plates-formes de trading de produits jugés hautement spéculatifs à destination des particuliers, sur lesquelles le taux de perte serait de 89% (Etude AMF, 2014). Elle a d’ailleurs obtenu, à l’occasion de la loi Sapin II, l’interdiction de leur publicité en ligne (art. L. 533-12-7 COMOFI et 314-7RG AMF). Mais l’interdiction pèse uniquement sur les prestataires de services d’investissement.

L’AMF peut dès lors s’inquiéter qu’une telle interdiction soit contournée par celles que l’on appelle des « influenceuses », à défaut d’oser les qualifier de leaders d’opinion. Devenues un vecteur essentiel de la stratégie de communication des annonceurs, leurs prises de position sont rarement désintéressées. La Federal Trade Commission américaine a récemment qualifié de pratique commerciale trompeuse un partenariat entre une marque de cosmétique et une blogueuse influente. En France, l’article 20 de la LCEN du 21 juin 2004 impose que toute publicité en ligne puisse être clairement identifiée comme telle : Nabilla, complice de publicité trompeuse ?

Mieux, Nabilla, en s’extasiant sur le Bitcoin, là où un intermédiaire financier serait tenu soit au silence soit à la mise en garde, ne risque-t-elle pas d’engager sa responsabilité civile ? Quid des éventuelles déconvenues de ses followers ? Une célébrité peut-elle impunément vanter sur les réseaux sociaux les mérites d’un produit spéculatif ?

Absence d’encadrement du Bitcoin, diffusion d’informations financières erronées sur les réseaux sociaux, régime juridique des contrats de partenariat entre annonceurs et influenceuses… Fini les Echos, le Club des juristes doit désormais tenir chronique dans les pages de Voici !

Julie Klein

Professeure à l'École de droit de Sciences Po
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