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« Metzner, la conviction et la mort » par Daniel Soulez Larivière.

Il faut une forte conviction pour se donner la mort. C’est le premier hommage qui me vient à l’esprit en apprenant le suicide d’Olivier Metzner. Dans ce qu’elle peut avoir de plus triste mais de plus digne, cette capacité de ne rien concéder à rien qui fusse contraire à son identité est profondément humaine. Dans La vie des Douze Césars de Suétone, où la mort apparaît sans mièvrerie aucune, le suicide n’est qu’une manière de suivre son chemin même pour s’arrêter, un geste technique de stoïcien. Il est probable que le succès d’Olivier Metzner n’est pas étranger à cette fin. Car dans ce métier d’avocat, la risée, la moquerie du monde, porte toujours sur le comédien capable de dire tout et son contraire, courageux, verbal, être de pirouettes et lâche ontologiquement. Or c’est là bien mal comprendre le métier. Y réussissent ceux qui donnent l’impression à leurs interlocuteurs, confrères ou magistrats, que si la défense est peut-être un jeu, celui qui fait croire qu’il met un bout de sa vie sur le tapis gagne plus souvent que les autres, surtout quand c’est vrai. C’est ainsi que j’ai toujours vu Olivier Metzner dans les affaires que j’ai pu traiter avec ou contre lui depuis quinze ans. Même si le jeu était l’essentiel de la matière pour défendre les autres, ce n’était pas son seul moteur car il avait la conviction chevillée au corps, et donc l’éventualité de l’échec, de la mort sous toutes ses formes. Voici pour la conviction. Qualité fondamentale chez l’avocat pour faire comprendre à des magistrats trop souvent indifférents à cette pratique que ce que nous disons « c’est pour de vrai », même si l’on peut se tromper.

Mais pour parvenir à cet état de conviction et le faire partager, il faut aussi du travail et encore du travail. Ainsi, le deuxième hommage que je rends à Olivier Metzner est à son travail sans lequel toute cette problématique de la conviction n’est pas crédible. « Lui qui n’était pas un orateur de talent était un extraordinaire avocat » dit François Saint-Pierre, avocat plus jeune qui occupera certainement avec d’autres encore inconnus le terrain qu’il a laissé. Le succès de Metzner est mérité. Il a travaillé, et encore travaillé pour la défense, de façon obscure, dans la gadoue des « petites » affaires qui n’en sont pas, pour des prévenus dans des affaires de stups, de casses, de sectes, des délinquants ordinaires. Il a apporté, après Henri Leclerc notre maître à tous, l’utilisation systématique du droit et de la procédure pénale pour obtenir des succès et l’estime de beaucoup de ses confrères et de nombreux juges. Après trente ans de labeur, il était reconnu, au point de se retrouver en haut de l’affiche des plus riches et des plus adulés, des plus glorieux des avocats. Cela fait du bien de voir consacrer le labeur, la volonté et la qualité.

Troisième hommage : c’était un confrère sans doute brutal mais loyal. Je l’ai pratiqué souvent. Après l’affaire de l’Erika, cette dernière année, j’ai passé quatre mois et demi avec lui dans l’affaire du Concorde où il défendait une compagnie aérienne américaine et moi un haut fonctionnaire de l’aviation civile. Grâce à une entente loyale sur des axes de défense communs, des décisions justes et respectées par chacun malgré des antagonismes, nos clients furent tous deux relaxés. Professionnellement il a toujours été aussi bon. Cet homme est resté fidèle à son identité, sans transiger, y compris avec cette décision fatale que l’on doit regretter, dont il est vain de spéculer sur les causes immédiates, et qu’on ne peut critiquer, car elle lui appartient, sans autre commentaire que l’expression du respect. Good bye Olivier !

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