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Blockchain, par Bruno Deffains

Pour un open source responsable !

« Vous pouvez maintenant acheter une Tesla en bitcoin ». Ce tweet d’Elon Musk n’a fait qu’accélérer la flambée du bitcoin et attirer un peu plus l’attention sur les crypto monnaies. Le marché du bitcoin dépasse les 1 000 milliards de dollars. Tesla n’est pas isolée ; nombre d’entreprises se positionnent et des banques comme Goldman Sachs ou JP Morgan proposent des placements à leurs clients. La monnaie numérique atteint de nouveaux sommets. La volatilité est-elle inhérente au système avec un risque d’effondrement spectaculaire comme cela est déjà arrivé, ou la hausse va-t-elle continuer ? Difficile de répondre, mais la dynamique actuelle semble irrésistible.

La prudence est de mise et les régulateurs du monde entier sont en quête de règles assurant la sécurité des citoyens et des entreprises avec des dispositifs juridiques efficaces. La Commission européenne a présenté fin 2020 un paquet législatif pour encadrer les crypto monnaies. Aux États-Unis, Janet Yellen, nouvelle Secrétaire au Trésor, souligne les risques associés à ce qu’elle décrit comme des actifs hautement spéculatifs.

Au-delà des crypto monnaies, d’autres défis réglementaires se présentent. Ainsi, les jetons non fongibles (NFT, non-fungible tokens) populaires dans l’art numérique, les objets de collection, la production de jeux, jouent aussi un rôle important dans la DeFi (Decentralized finance) ou la banque en ligne. La technologie blockchain présente d’énormes potentialités grâce à la tokénisation qui permet de dématérialiser un actif réel et de faciliter son processus d’acquisition. Les NFT deviennent très attractifs grâce à leurs caractéristiques (propriété, authenticité, transférabilité). Ils sont à l’origine d’une nouvelle vague d’adoption des crypto-monnaies, notamment par l’utilisation d’Ethereum, blockchain open source de référence des NFT.

Dans un tel contexte d’innovation, le monde du droit doit s’adapter. Les conflits liés à la propriété ou à la fiscalité vont se multiplier, de même ceux posant la question des responsables de dysfonctionnements des chaînes ou d’activités illégales perpétrées à leur encontre, causant un préjudice aux utilisateurs. Cette question semble se heurter à la nature hautement décentralisée de la technologie. La montée en puissance des organisations autonomes décentralisées (DAO) signifie-t-elle la fin de la responsabilité ?

Alors que l’on se fie de plus en plus à la blockchain, l’arsenal juridique doit pouvoir s’appliquer aux faits nouveaux qui se présentent. Face à la création, au développement et à la maintenance des blockchains, il est urgent de décider comment le droit, en particulier le droit des obligations, s’appliquera. Le statut des prestataires de services en actifs numériques n’a pas été développé dans cette perspective. Ils interviennent pour les clients sans pouvoir analyser tous les droits des jetons ou crypto monnaies. En outre, l’émission de jetons effleure la question pour davantage se concentrer sur leur émission que sur ses suites potentielles.

Il faut s’interroger sur ce point précis de possibles obligations puisque des agents s’engagent clairement à remplir une fonction pour d’autres à travers le développement de blockchains. Les utilisateurs sont donc raisonnablement en droit d’attendre de ces « développeurs » qu’ils agissent dans leur intérêt, surtout qu’il n’existe aucun mécanisme de marché susceptible de les protéger de comportements inappropriés ou illégaux dans la conception ou le fonctionnement du système. Si le consensus est la loi générale de la blockchain (les développeurs contribuant à l’évolution de blockchains proposent au vote des modifications de protocole), celle-ci peut être amoindrie voire évitée. Le mythe de la décentralisation intégrale est si étroitement lié à l’Histoire de la blockchain qu’il conduit à oublier cette réalité. Il s’agit pourtant d’un vaste contrat collectif, un accord porteur d’obligations.

L’argument selon lequel Code is law, à savoir que ceux qui ont écrit et publié ce code seraient absous de leurs obligations, ne résiste pas à une analyse approfondie, même si on admet que la participation à la blockchain implique une adhésion juridique (aucun consentement ne purge tous les recours). La logique open source porte en elle la tentation d’estimer que comme n’importe qui peut apporter des modifications au code, se référer aux « développeurs » n’aurait guère de sens. Mais l’existence de cette catégorie implique que des agents exercent un contrôle effectif, quoique plus ou moins étendu, sur la blockchain. Dans cette dernière perspective, il semblerait logique et certainement efficace de pouvoir appliquer le droit des obligations qui, sous une forme une autre, remettrait au centre du terrain l’idée de responsabilité.

Par Bruno Deffains, Professeur à l’Université Panthéon Assas, Expert du Club des juristes

Bruno Deffains

Professeur de Droit et d'Économie à l'Université Paris II Panthéon-Assas, Président du Pôle numérique du Club des juristes
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