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Activisme actionnarial – A l’aube d’une ère nouvelle ?

Par Benjamin Kanovitch, Avocat Associé, Bredin Prat

Rapporteur du Groupe de travail du Club des juristes sur l’activisme actionnarial

Après avoir interdit les ventes à découvert temporairement en raison de la crise du Covid-19, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a publié une communication très attendue sur l’activisme actionnarial. Hasard du calendrier, ce document est publié en pleine crise, laquelle a des effets contrastés sur les campagnes activistes. Certaines s’interrompent compte tenu de la gravité de la crise actuelle, d’autres – moins nombreuses – s’accélèrent en raison d’un renforcement des participations à moindre coût.

Soucieuse de l’attractivité de la Place de Paris, l’AMF entend mieux réguler les « excès » des campagnes activistes. Cette approche vise à rééquilibrer les relations entre émetteurs et investisseurs. Au-delà des initiatives visant à solliciter l’ESMA (autorité boursière européenne) pour clarifier la réglementation actuelle (action de concert, recommandations d’investissement), il s’agirait notamment de renforcer les obligations de transparence des investisseurs « longs » et « shorts », d’accroitre les pouvoirs de l’AMF et d’encourager le dialogue actionnarial.

L’abaissement du seuil légal de déclaration à 3% (contre 5% actuellement) est débattu depuis de nombreuses années. Il aurait l’avantage d’aligner les règles françaises avec les principales Places européennes. A l’instar du Royaume-Uni, une exemption pourrait être prévue pour certains investisseurs institutionnels. La proposition d’informer le marché sur les franchissements de seuils statutaires est un élément nouveau qui pourrait augmenter l’information disponible sur l’actionnariat des sociétés cotées. Les effets de ces mesures pourraient toutefois être contradictoires sur les campagnes activistes. D’une part, elles contraindraient les activistes à dévoiler plus tôt leur présence et leur niveau de détention. D’autre part, elles restreindraient le dialogue confidentiel entre émetteurs et activistes en amont d’une campagne publique, qui est souvent un moyen de l’éviter.

Le renforcement des pouvoirs de l’AMF tel qu’envisagé aurait un impact très significatif en pratique. L’Autorité a historiquement très peu utilisé son pouvoir d’injonction administrative, a fortiori à l’encontre d’investisseurs. La réforme envisagée permettrait de le rendre plus efficace, via le pouvoir d’astreinte. L’AMF pourrait également obliger un investisseur à rectifier les informations fausses ou trompeuses qu’il aurait diffusées. L’AMF reconnait ainsi que le « temps des marchés n’est pas celui des enquêtes ». On ne peut réguler les campagnes avec des sanctions, fussent-elles significatives, qui interviennent plusieurs années après. L’AMF demandera aussi aux investisseurs d’être « vigilants » sur leurs déclarations en période d’offre publique, obligation qui existe déjà à la charge des émetteurs. Au-delà des textes, un tel arsenal aurait pour effet d’accroitre l’influence de l’AMF sur le comportement des activistes et d’assurer un meilleur équilibre avec la régulation s’appliquant des émetteurs.

Enfin, l’AMF a indiqué qu’elle favoriserait le dialogue actionnarial en développant et complétant sa doctrine sur ce sujet majeur. Ce dialogue entre un émetteur et ses investisseurs peut à la fois prévenir la survenance de campagnes activistes et les résoudre via une solution acceptable pour la société et ses actionnaires. La crise actuelle ne fait que renforcer la nécessité de faire émerger un capital patient et engagé qui accompagne les entreprises sur le long terme dans leur développement et leurs perspectives financières et extra-financières (Environnement, Social, Gouvernance).

Tribune publiée également dans Les Echos à retrouver ici

A lire sur ce sujet : Les propositions de l’AMF pour encadrer davantage les activistes par Laurence Boisseau dans les Echos

 

Benjamin Kanovitch

Avocat associé, Bredin Prat
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