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Remise Du Prix Guy Carcassonne

Remise du 2ème Prix Guy Carcassonne

Pour la deuxième année consécutive, Le Monde, la revue Pouvoirs et le Club des juristes rendent hommage à Guy Carcassonne, constitutionnaliste reconnu : le prix Guy Carcassonne du meilleur article constitutionnel vient d’être attribué à un jeune doctorant de l’Université Panthéon-Assas (Paris II).

Le jury était composé de quatre professeurs des Universités : Renaud Dehousse (Sciences-Po), Wanda Mastor (Toulouse), Géraldine Muhlmann (Paris II) et Sabine Saurugger (Grenoble), deux journalistes du Monde : Gérard Courtois et Patrick Roger, et deux directeurs de la revue Pouvoirs : Olivier Duhamel et Marc Guillaume.

86 articles ont été adressés au Club des juristes. Chaque membre du jury les a lus, sans connaître le nom des auteurs, et les a classés A, B ou C. Au total, 8 articles ont été classés en A.

Après avoir délibéré sur ceux ayant reçu les meilleures appréciations, le jury a décidé d’attribuer le prix Guy Carcassonne du meilleur article constitutionnel à Pierre Auriel, doctorant contractuel à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), pour son article « La contestation écologique crée de nouveaux Robespierre ».

Le prix a été remis au Conseil constitutionnel le 30 juin 2015. L’article a été publié dans Le Monde daté du 1er juillet et mis en ligne sur le site de la revue Pouvoirs.

 

La contestation écologique crée de nouveaux Robespierre

par Pierre Auriel

 

Les zones à défendre (ZAD) : défendre l’environnement contre les pouvoirs publics, contre les projets de développement économique. Regroupés et barricadés dans ces zones, les zadistes organisent une défense radicale et parfois violente d’un environnement sanctuarisé. Contre des décisions prises selon des procédures légales, ils prétendent incarner un nouvel idéal de justice pour lequel il est possible de renverser le droit.

Ce phénomène n’est pas nouveau. Néologisme inventé à Notre-Dame-des-Landes, appliqué à Sivens ou dans la forêt de Chambaran, les zadistes sont les héritiers conscients du plateau du Larzac. Idéologiquement à la croisée des mouvements anticapitalistes et écologistes, ils s’inscrivent plus profondément dans deux mouvements de contestation de l’ordre et des pouvoirs publics.

Le premier est spécifiquement français : c’est le peuple révolutionnaire, ce tropisme de l’imaginaire politique français, du peuple descendant dans la rue, en dehors de tout cadre, pour renverser le pouvoir. Cet appel au peuple est structurellement différent de la désobéissance civile qui s’incarne aujourd’hui dans la figure des Indignés ou d’Occupy Wall Street : là où la désobéissance civile s’ancre dans le pacifisme, le peuple révolutionnaire doit pouvoir agir violemment pour l’emporter.

Ce peuple révolutionnaire, ce sont les journées de la Révolution française, de juin 1848 ou de la Commune de Paris. Derrière cet imaginaire réside la croyance en la possibilité pour le peuple en fusion de résister au pouvoir, d’éclater les cadres de la légalité pour garantir le juste par-delà le droit. Les barricades, l’opposition violente aux forces de l’ordre montrent l’inscription des zadistes dans ce projet révolutionnaire, loin de la désobéissance civile.

Contestation héroïque et violente du pouvoir

A ce mouvement se superpose un second largement issu du premier : le volontariat armé international. A partir du XVIIIe siècle, la figure de l’étranger allant défendre des valeurs universelles auprès d’un autre peuple s’est développée. La guerre d’indépendance grecque, le Risorgimento italien au XIXe ou la guerre d’Espagne au XXe voient de nombreux volontaires étrangers – souvent jeunes et portés par l’héroïsme romantique des combats pour la liberté – se battre pour défendre des idéaux universels : le libéralisme chez les philhellènes ou la République pendant la guerre d’Espagne.

De la même manière, les ZAD drainent une population jeune et européenne, celle des réseaux altermondialistes qui voient là une manière d’enfin réaliser une contestation héroïque et violente du pouvoir.

Si l’inscription des zadistes dans cette double filiation est admise, alors une question se pose nécessairement : sur quels idéaux se fonde la revendication des zadistes pour instruire le procès de la légitimité des décisions publiques ? Ces différents mouvements reposaient sur l’invocation d’un idéal de justice pour contester le pouvoir. Le droit était contesté et les forces de l’ordre repoussées, car ils étaient injustes et illégitimes. Poursuivant ces combats, les zadistes se fondent eux aussi sur un tel idéal.

L’histoire politique moderne a vu échouer de multiples avatars de cet idéal de justice. La fin du communisme a pu laisser croire que la démocratie libérale l’avait définitivement emporté en tant que principe de justice : les pouvoirs respectant ce principe étaient supposés être légitimés et leurs décisions ne pouvaient plus être contestées.

Justice fondée sur la vérité

Cette fin de l’histoire ne fut pourtant que temporaire. De nouveaux idéaux émergèrent à partir desquels des populations remirent les décisions démocratiques en cause : au premier rang, l’écologie. Reprenant et modifiant le fil de la contestation altermondialiste du marché et de l’exploitation, la défense de l’environnement apparaît, dans la perspective des zadistes, comme un nouvel idéal de justice pour lequel il est possible de contester le pouvoir, même démocratiquement élu.

Le mouvement des ZAD n’a donc rien de nouveau et s’inscrit dans un passé ancien, maintes fois répété : les idéaux se modifient, les combats évoluent mais, in fine, la logique demeure la même. Et parce que cette logique ne change pas, ses risques demeurent les mêmes.

Nicolas Molfessis

Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas
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