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Vers la sanction d’une compliance de qualité insuffisante

La corruption et le trafic d’influence constituent sans aucun doute des actes frauduleux qui portent atteinte, depuis bien longtemps, au fonctionnement vertueux de notre économie. Théophile Gautier disait de la corruption qu’elle « a des attraits inexplicables même pour les âmes les plus honnêtes », soulignant à juste titre la difficulté de la lutte contre ce type de comportements. Appelée de leurs vœux par de nombreuses organisations associatives ou étatiques, la lutte contre la corruption constitue une priorité.

Ce postulat étant posé, ce sont les modalités pratiques de cette lutte sur lesquelles il convient de s’accorder. En France, l’autorité judiciaire est actuellement en première ligne pour lutter contre la corruption, puisque les procureurs recherchent et poursuivent ces délits qui sont alors jugés par les tribunaux correctionnels. En ce qui les concerne, les entreprises se doivent de mettre en place des mécanismes de contrôles internes et/ou de compliance pour éviter que ne soient commis en leur sein des actes illicites.

Une nouvelle étape risque d’être franchie par l’adoption de la Loi dite Sapin II. En effet, si l’entreprise est déjà exposée à des sanctions extrêmement lourdes, et même automatiques comme l’exclusion des marchés publics, en cas de condamnation pour des faits de corruption, elle s’exposerait maintenant à des sanctions administratives pouvant s’élever à un million d’euros si son système de compliance était «jugé » de qualité insuffisante, et ce même en l’absence de tout acte de corruption !

Cette conception est manifestement très fortement inspirée du système anglais institué dans le BRIBERY ACT, mais la France devait-elle ainsi copier son voisin ? Cette nouvelle organisation du contrôle, un de plus, des systèmes de compliance amène à se poser plusieurs questions.
Cette pression supplémentaire sur les entreprises, couplée avec l’étrange course à la transparence et le rôle donné aux «lanceurs d’alerte», n’est-elle pas en fait une sorte de privatisation de la lutte contre la corruption ?

Plutôt que de déployer des moyens pour juger de question de forme des systèmes de compliance par une nouvelle autorité administrative, ne faudrait-il pas plutôt renforcer les moyens humains et financiers donnés à l’autorité judicaire, dont le Garde des Sceaux et certains procureurs ont signalé la situation catastrophique, pour juger des questions de fond ? Pourquoi ne prévoir que des sanctions dans ce dispositif qui ne comporte qu’une « timide » partie laissant penser à une coopération avec les entreprises ?

L’insuffisance ou la qualité d’un système de compliance aurait pu constituer un élément d’appréciation par le juge judiciaire quant à la responsabilité pénale de la personne morale en cas de commission d’une infraction, plutôt que la base à une sanction administrative même en l’absence de tout acte délictueux, n’est-il pas illusoire de penser que la compliance, même si celle-ci est bien entendu nécessaire, pourrait à elle seule empêcher les actes de corruption ? Le débat reste ouvert.

Philippe Goossens, avocat associé chez Altana

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