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Simplification des règles et recul du droit

Si le projet de loi Macron vise à simplifier les règles « devenues insupportables » et à favoriser la concurrence, des simplifications excessives peuvent promouvoir l’insécurité juridique et menacer la concurrence.

L’article 20 du projet autorise l’Autorité de la concurrence à revenir sur des concentrations ou à enjoindre des cessions d’actifs aux distributeurs ayant une position dominante dans une zone de chalandise sur le fondement des « préoccupations de concurrence » qu’elle aurait « du fait de prix ou de marges élevés, que l’entreprise pratique en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné ».

Cette disposition, inspirée d’une disposition applicable en Nouvelle Calédonie, simplifie le travail de l’Autorité qui ne pouvait prendre de mesures de déconcentration que si elle avait établi un abus de position dominante ou d’un état de dépendance économique.  Mais elle est contraire aux bonnes pratiques prônées par l’OCDE ,  elle permet à l’Autorité d’intervenir sans que les entreprises visées ne bénéficient d’un véritable recours, et elle est de nature à restreindre la concurrence.

En matière de distribution, chaque zone de chalandise constitue un marché et il n’y a aucune raison pour que les prix soient identiques d’une zone à l’autre. Un prix plus important que la moyenne ne prouve nullement que la concurrence est moins forte dans la zone et peut refléter, par exemple, des coûts de distribution plus importants dans celle-ci. Fonder une décision de concurrence sur un tel indice non confirmé est donc, comme l’OCDE l’a récemment indiqué, une mauvaise pratique.

En l’état du projet,  il suffira que l’Autorité s’estime « préoccupée » pour pouvoir agir. Les recours contre ses décisions ne pourront porter que sur l’adéquation entre la mesure imposée et ses « préoccupations » sans que la légitimité de ces dernières ou leur champ puissent être contestés.

En outre, la possibilité pour les entreprises d’éviter les injonctions en proposant des engagements restera théorique car l’Autorité pourra infliger des injonctions « si les engagements proposés ne lui paraissent pas de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence ».

Enfin, chacun des grands distributeurs ayant une position dominante dans certaines zones de chalandise, ils seront incités à ne pas pratiquer des prix inférieurs dans les autres zones afin d’éviter qu’une différence de prix ne soit observée d’une zone à l’autre. La mesure proposée peut donc avoir pour effet d’affaiblir la concurrence et de contribuer à une hausse des prix ou des marges de la distribution.

On peut ainsi contester l’utilité d’une mesure qui revient à réintroduire, au nom de la concurrence, un contrôle discrétionnaire des prix de la distribution. Mais si cette disposition devait être malgré tout adoptée, le législateur devrait a minima prévoir que l’énoncé des « préoccupations de concurrence » de l’Autorité fasse l’objet d’une décision motivée susceptible de recours.

Frédéric Jenny

Frédéric Jenny

Professeur émérite d'économie à l'Essec
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