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Sécurité juridique. Le respect de la légitime confiance des citoyens s’impose au législateur.

La décision rendue par le Conseil constitutionnel à propos de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (Cons. const., déc. n° 2013-682 DC) a donné l’occasion au Conseil constitutionnel d’achever la constitutionnalisation des exigences relevant du principe de sécurité juridique, en y incluant celles qui peuvent être rattachées à la « confiance légitime ». Sans employer cette expression, pas plus qu’il ne se réfère expressément à la sécurité juridique, le Conseil constitutionnel censure cependant des dispositions législatives relatives à la modification des taux de prélèvement sociaux applicables à certains produits de contrats d’assurance vie. Il relève pour opérer cette censure que les contribuables, ayant respecté la durée de conservation prévue lors de leur conclusion, pouvaient légitimement attendre l’application d’un régime particulier lié au respect de cette durée légale.

Le principe de sécurité juridique, fondé sur l’article 16 de la Déclaration de 1789 a déjà été très largement constitutionnalisé en ce qu’il implique tant une certaine qualité de la loi (accessibilité, intelligibilité…) que sa prévisibilité (cf. not., Dossier sur la sécurité juridique in Les Cahiers du Conseil constitutionnel 2001, n° 11 ; A.-L. Valembois, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français : LGDJ, 2005 ; B. Mathieu, Le principe de sécurité juridique entre au Conseil d’Etat : AJDA 2006, p.841 ; La norme, le juge et la sécurité juridique in La norme déclin ou renouveau : Justice et cassation : Dalloz, 2012, p. 67 ).

Le Conseil constitutionnel justifie sur ce fondement les limites apportées à la rétroactivité des lois, en dehors du domaine répressif (cf. Cons. const., déc. n° 2010-4/17 QPC ). Il en est également ainsi en ce qui concerne la protection des situations résultant de contrats légalement conclu ( Cons. const., déc. n° 98-401 DC ). Ce sont également, et plus généralement, les situations légalement acquises qui sont ainsi protégées. Ainsi, dans la décision 2007-550 DC, le Conseil constitutionnel précise que le législateur « méconnaîtrait la garantie des droits proclamée par l’article 16 de la Déclaration de 1789 s’il portait aux situations légalement acquises une atteinte qui ne soit justifiée par un motif d’intérêt général suffisant ».

Dans la décision commentée le Conseil ajoute une nouvelle exigence celle selon laquelle le législateur « ne saurait sans motif d’intérêt général suffisant… remettre en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations ».

C’est ainsi le principe de « confiance légitime » qui est ainsi implicitement constitutionnalisé. C’est un revirement de jurisprudence dont il s’agit, le Conseil ayant jusqu’alors expressément dénié la valeur constitutionnelle de ce principe (Cons. const., déc. n° 97-391 DC ).

Le Commentaire de la décision publié sur le site du Conseil constitutionnel, fait largement référence à la place de ces principes dans les jurisprudences européennes et dans celles des hautes juridictions nationales.

La réticence du Conseil à parfaire la pleine reconnaissance du principe de sécurité juridique, au travers du principe de confiance légitime s’explique probablement par le fait que la protection des contrats légalement conclus et des situations légalement acquises présente un caractère objectif, alors que la confiance légitime renvoie à des considérations plus subjectives, celles relatives à l’appréhension du droit par les acteurs juridiques.

Cette réticence est aujourd’hui surmontée. On ne peut que s’en féliciter. L’exigence de sécurité juridique est d’abord un instrument de respect des droits des citoyens, mais elle présente aussi des enjeux économiques essentiels, les opérateurs économiques doivent pouvoir agir et décider dans un cadre prédéfini et juridiquement sûr.

Il convient in fine de relever que le principe de prévisibilité est invocable à l’appui d’une Question prioritaire de constitutionnalité (Cons. const., déc. n° 2013-354 QPC). L’utilisation de ce principe, non dénué de subjectivité, dans le cadre d’un contrôle abstrait de la loi ouvre des perspectives dont il appartiendra aux justiciables et à leurs conseils de se saisir. Ne doutons pas cependant que cet instrument heureusement forgé, le Conseil se montrera assez prudent dans l’utilisation qui en sera faite.

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Bertrand Mathieu

Bertrand Mathieu

Professeur de Droit à l'Université Paris I Panthéon Sorbonne
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