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Régulation : répétition n’est pas raison

En France ou en Europe, les débats ne tarissent pas sur la régulation des activités en ligne. Dans le secteur, l’innovation est la norme : une révolution technologique chassant l’autre, la tâche n’est pas facile pour le législateur. Prématurée, son intervention risque de brider l’innovation et de miner les initiatives entrepreneuriales ; tardive, elle peut s’avérer inefficace si elle vise un service plébiscité par les utilisateurs.

Il n’en est que plus important, pour légiférer sur le numérique, de tenir compte de l’état du droit existant. Les règles qui régissent déjà les activités en ligne s’avèrent-elles à ce point inadaptées ou lacunaires qu’il est nécessaire de les modifier en définissant de nouvelles notions, telle que celle de “loyauté des plateformes” ?

Les activités en ligne font déjà l’objet d’une réglementation précise. Les règles relatives à l’achat et à la vente, à la protection des consommateurs, à la qualité des produits et des services offerts ont été adaptées au monde numérique dès 2004.

En comparaison, la notion de plateforme semble particulièrement floue et susceptible de viser un grand nombre de services en ligne très différents l’un de l’autre. Une catégorie juridique aussi englobante désignerait sous une même étiquette des services sans réel point commun, à des niveaux de maturité différents et qui obéissent déjà à des régimes juridiques spécifiques. Alors que la jurisprudence sur la notion d’intermédiaires, issue de la directive du 8 juin 2000, s’est enfin stabilisée en précisant les conditions d’engagement de leur responsabilité, est-il opportun de rouvrir une période d’incertitude juridique pour les acteurs économiques ?

Quant à l’obligation de “loyauté” qui pèserait sur ces intermédiaires, elle existe en réalité déjà. En l’état actuel du droit, les pratiques en ligne déloyales, comme celles d’un comparateur de prix qui n’indiquerait pas à ses utilisateurs qu’il met en avant certaines offres par rapport à d’autres, sont sanctionnées (par ex. Cass., 29 nov. 2011, Kelkoo) ; la publicité doit être clairement identifiée comme telle (art. 20 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique) ; la rupture unilatérale des relations commerciales entre professionnels est encadrée ; les internautes sont protégés par le code de la consommation, notamment des clauses abusives ; et le nouvel article L. 111-5-1 de ce code issu de la loi du 6 août 2015, dite loi “Macron”, impose désormais l’obligation de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions d’utilisation du service et sur les modalités de référencement des offres mises en ligne. On peine à concevoir, dans ces conditions, ce qu’apporterait en droit la consécration redondante d’une telle notion, de même que la création d’une nouvelle catégorie juridique aux contours aussi imprécis que larges, susceptibles de s’appliquer à tant d’acteurs économiques en ligne au détriment de leur sécurité juridique.

Francis Donnat

Secrétaire général de la Société Générale
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