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À propos de la conciliation des litiges commerciaux

Le rachat par Casino des 50% de Monoprix détenus par les Galeries Lafayette, la sortie de Lagardère de Canal + et le combat sanglant l’opposant à Vivendi, le conflit épique entre LVMH et Hermès… ces trois contentieux emblématiques ont en commun d’avoir été réglés par voie amiable à l’initiative du Tribunal de commerce de Paris. Alors que les parties y étaient entrées pour en découdre, elles en sont ressorties par la vertu d’un accord transactionnel. Une telle issue est désormais pratique courante. Sous l’impulsion de son Président, Frank Gentin, le Tribunal de commerce de Paris est devenu le fer de lance d’une justice commerciale négociée. L’accord de volontés remplace l’imperium du juge. Les chiffres sont éloquents : en moins de deux ans, le nombre de dossiers ayant donné lieu à solution amiable a été multiplié par 10. 700 affaires ont ainsi fait l’objet d’une procédure de conciliation depuis le début de l’année. L’ambition est même d’instaurer une Chambre de conciliation, gare de triage qui permette de sélectionner les contentieux susceptibles d’être réglés à l’amiable. Mésententes entre actionnaires, conflits familiaux à implication commerciale, litiges clients-fournisseurs ou encore actions en responsabilité à la suite de pratiques anticoncurrentielles, la voie transactionnelle permet de préserver les relations d’affaires entre les parties, évite de faire peser sur leurs comptes des provisions lourdes et sclérosantes, ménage leur réputation et, avec elle, celle de la Place de Paris. Elle plaît également aux avocats, qui évitent l’aléa judiciaire tout en défendant les intérêts de leurs clients.

En soi, la voie négociée n’est pas nouvelle : la conciliation relève de l’office du juge – l’article 21 du Code de procédure civile l’affirme sobrement : « il entre dans la mission du juge de concilier les parties ». Le juge n’est pas seulement ce tiers impartial chargé de trancher un conflit ; il est aussi le mieux placé pour éviter que le procès n’aille à son terme. Depuis 20 ans, l’essor des modes alternatifs de résolution des conflits en a d’ailleurs montré les vertus, humaines et financières pour les parties, budgétaires pour le service public de la justice.

L’initiative fait désormais des émules auprès des autres tribunaux de commerce. Elle pourrait devenir source d’inspiration pour la justice civile : dans le cadre des priorités d’actions pour la Justice au XXIe siècle, la Garde des sceaux préconise de faciliter « l’accès du citoyen à des modes négociés de résolution des litiges ».

Une telle pratique soulève certes des questions de formation – le bon juge n’est pas nécessairement un bon conciliateur -, aussi bien que de procédure – confidentialité du processus au sein de la juridiction, issue du litige en cas d’échec de la négociation… Il reste que le Tribunal de commerce, auquel on reproche de façon récurrente de ne pas être composé de magistrats de métier, a trouvé ici comment tirer le meilleur profit du pragmatisme de ses juges consulaires.

 

Nicolas Molfessis

Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas
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