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Prêts toxiques aux collectivités locales : fin ou recommencement ?

La loi n°2014-844 du 29 juillet 2014 réussira-t-elle à mettre fin aux contentieux entre établissements de crédit et collectivités locales liés à ce que l’on a appelé les « prêts toxiques » ? L’expression désigne des emprunts structurés, souvent très complexes, dont les coûts se sont accrus à partir de 2008, lorsque les perturbations sur les marchés financiers ont entraîné l’explosion des taux d’intérêt. Ils représentent encore un encours estimé à 10 milliards d’euros, porté pour l’essentiel par Dexia et la Société de financement local (SFIL) avec pour débiteurs des départements, des régions, des hôpitaux…

Pour s’en défaire, nombre des collectivités emprunteuses plaident la nullité de ces contrats ou des stipulations d’intérêts qu’ils prévoient, en invoquant notamment l’absence, dans les documents contractuels, de mention du taux effectif global, du taux de période ou de sa durée. Avec succès, puisque certaines décisions ont pu faire droit à ces arguments. Or pour les pouvoirs publics, une telle remise en cause des prêts ferait courir un risque considérable sur le secteur bancaire, mais aussi sur les finances publiques – l’Etat est actionnaire de Dexia – comme sur l’économie dans son ensemble, puisqu’il faudrait compenser la perte subie. C’est pour l’éviter que le législateur a estimé nécessaire de valider les stipulations d’intérêts dans les contrats en cours. Il avait déjà tenté de le faire dans la loi de finances pour 2014 mais fut alors censuré par le Conseil constitutionnel car la portée de la validation envisagée était alors trop étendue. Cette fois, le Conseil constitutionnel a jugé le mécanisme conforme à la Constitution (déc. du 24 juillet 2014).

Ce n’est pas dire que le problème soit pour autant réglé. D’abord, parce que la loi ne s’applique pas aux prêts les plus simples – à taux fixe ou variable reposant sur des formules non sophistiquées – comme aux contrats de swap – qui portent sur des échanges de taux. De même, elle ne prive pas les collectivités de la possibilité d’invoquer, comme elles le font déjà, leur propre incapacité à conclure des prêts structurés ou de reprocher aux banques le défaut de conseil dans la conclusion des prêts.

Surtout, les collectivités vont tenter de remettre en cause la loi de validation elle-même en invoquant à son encontre la Convention européenne des droits de l’homme et avec elle la jurisprudence restrictive de la Cour européenne. La conformité de la loi à la Constitution ne préjuge en effet pas sa conformité aux normes européennes, qui peut être mise en cause par n’importe quel juge. Le Conseil constitutionnel, qui le sait parfaitement, a d’ailleurs veillé à procéder à un contrôle formellement identique à celui qu’opère la CEDH en matière de loi de validation, en recherchant si un motif impérieux d’intérêt général justifiait l’intervention législative. La question est désormais de savoir s’il sera suivi dans son analyse ou si la remise en cause des prêts « toxiques » se doublera du désaveu de sa décision.

Nicolas Molfessis

Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas
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