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Prédation sur Internet et droit de la concurrence

Les règles de concurrence comportent des dispositions visant à réprimer, en tant qu’abus, certains agissements commis par des opérateurs en position dominante, qui ont pour objet ou pour effet d’évincer leurs concurrents du marché.

Parmi celles-ci, il est notamment interdit aux opérateurs dominants de pratiquer des prix inférieurs à leurs coûts variables (dénommés « prix prédateurs »), en ce qu’une telle stratégie est présumée s’inscrire dans un plan d’éviction.

Le développement d’Internet s’est accompagné de la montée en puissance de groupes mondiaux qui ont développé des modèles économiques nouveaux. Ces modèles se caractérisent, souvent, par la gratuité de certains services offerts.

Les autorités et juridictions françaises ont récemment statué sur la validité de ces modèles au regard de l’interdiction des prix prédateurs.

Ainsi, la Cour d’appel de Paris a jugé que le service gratuit de cartographie Google Maps API, qui permet aux entreprises d’insérer des cartes Google sur leurs sites Internet, est conforme au droit de la concurrence.

Pour mémoire, Bottin Cartographes avait saisi le Tribunal de commerce de Paris en 2009 afin de voir sanctionner les prix prédateurs pratiqués par Google sur le marché de la cartographie en ligne.

Le Tribunal avait accueilli ses demandes et jugé que la gratuité du service Google Maps API constituait un « prix prédateur » car elle ne permettait pas à Google de couvrir ses coûts d’exploitation (les coûts de collecte et de traitement des données géographiques). On comprendra aisément qu’un tel jugement, s’il était généralisé à d’autres services gratuits, risquait de remettre en cause les modèles économiques d’Internet.

La Cour a censuré le jugement du Tribunal. S’agissant d’une entreprise multi produits, elle a mené son analyse sur les seuls coûts « évitables » de l’entreprise et non sur ses coûts « variables » comme cela se fait habituellement. Or, les coûts de collecte et de traitement des données géographiques ne seraient pas évités si Google cessait de fournir les services API tout en continuant son portail Google Maps pour les particuliers. Et, en ne retenant que les coûts spécifiquement encourus pour le service API aux clients français, la Cour a constaté que les revenus issus de l’exploitation du service leur étaient supérieurs.

Pour arriver à cette conclusion, la Cour a pris soin de demander un avis à l’Autorité de la concurrence. Celui-ci indique que, sur les marchés « multifaces » d’Internet, « il peut être rationnel pour [les] acteurs d’offrir des produits ou services gratuitement sur un marché non pour évincer des concurrents mais pour accroître le nombre de leurs utilisateurs sur d’autres marchés ».

Cette solution valide le modèle de gratuité pour la plupart des services en ligne, pour les services directement financés par la publicité (par ex. le moteur de recherche, la presse gratuite, les services de musique en ligne sans abonnement) comme pour ceux qui sont délivrés sur des marchés connexes et indirectement financés par celle-ci.

Didier Théophile et Constance Bocket

Didier Théophile

Avocat associé, Darrois Villey Maillot Brochier
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