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Pouvoirs d’enquête de la Commission : savoir raison garder

La tendance semblait irréversible : les autorités de la concurrence, Commission européenne en tête, souhaitant des pouvoirs d’enquête toujours plus étendus pour détecter et sanctionner lourdement les stratégies anticoncurrentielles mises en œuvre par les entreprises. Les entreprises, de leur côté, semblaient ne disposer que d’une seule possibilité au stade de l’enquête de concurrence : coopérer encore et toujours sous peine d’être sanctionnées pour obstruction.

Pourtant, par un arrêt en date du 10 mars 2016, la Cour de justice de l’Union européenne, a rappelé qu’en matière d’enquêtes de concurrence également, il faut savoir raison garder.

Oui, l’entreprise soupçonnée d’avoir participé à une pratique anticoncurrentielle est légalement tenue de coopérer avec l’autorité de poursuite.

Oui encore, l’entreprise doit fournir ses meilleurs efforts pour répondre, rapidement et de façon complète, aux questions orales des enquêteurs (dans le cadre d’une inspection) ou écrites dans le cadre d’une demande de renseignements, c’est-à-dire d’un questionnaire. L’incitation à le faire est importante lorsque l’on sait que tout manquement à cette obligation pourra constituer une obstruction et, partant, déclencher une amende de procédure pouvant atteindre 1% du chiffre d’affaires mondial.

Non, et c’est l’enseignement principal de cet arrêt, l’entreprise poursuivie n’est nullement tenue de se substituer à la Commission européenne dans l’établissement des charges qui pourront in fine être retenues contre elle. Plus particulièrement, il ne saurait être exigé de l’entreprise poursuivie qui encourt tout de même une sanction pécuniaire jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires, qu’elle engage, sans que l’autorité de poursuite ne lui ait clairement exposé les soupçons d’infraction pesant sur elle, des ressources financières et humaines significatives pour fournir, dans un délai et format imposés unilatéralement par cette dernière, des données, en l’occurrence des données économiques, particulièrement volumineuses et potentiellement incriminantes. Cela est d’autant moins justifié lorsqu’une telle demande intervient à un stade particulièrement avancé de l’enquête, c’est-à-dire à un moment où l’autorité de poursuite est déjà censée disposer d’éléments suffisants pour apprécier la solidité de son dossier et décider des éventuelles suites à lui donner.

La solution relève finalement du bon sens : la charge de la preuve de la commission d’une pratique anticoncurrentielle pèse sur l’autorité de poursuite et sur elle seule. Encore fallait-il que la plus haute juridiction européenne le rappelle.

Ce rappel à l’ordre devrait conduire les autorités de concurrence à davantage de mesure lorsqu’elles font usage de leurs pouvoirs d’enquête. Il ouvre en tout état de cause des perspectives prometteuses pour les entreprises poursuivies et leurs conseils dans leur tentative de définir des modalités de coopération avec les autorités de poursuite qui soient plus raisonnables et respectueuses de leurs droits de la défense.

Mélanie Thill-Tayara

Mélanie Thill-Tayara

Avocat à la Cour, Dechert
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