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Laissez passer la Commission !

Laissez faire, laissez passer ! Autrefois opposé par les opérateurs économiques au pouvoir régalien, ce slogan semble aujourd’hui être celui dont se prévaut la Commission européenne lorsqu’elle opère des « dawn raids » (visites inopinées, perquisitions surprises) dans les entreprises.

Les risques réglementaires se multiplient et les régulateurs renforcent leurs pouvoirs exorbitants du droit commun, comme on l’a vu avec les condamnations récentes d’entreprises françaises telles que BNP Paribas et Alstom par les autorités américaines. En Europe, l’actualité jurisprudentielle en fournit une bonne illustration en matière de concurrence.

Gardienne de la concurrence en Europe, la Commission dispose d’importants pouvoirs, dont les opérations de visite et de saisie constituent l’une des traductions les plus spectaculaires et traumatisantes pour les entreprises. Ces « dawn raids » sont également pratiqués de façon musclée par l’Autorité de la concurrence en France, mais ils font, dans ce cas, l’objet d’un contrôle ex ante du juge, qui doit les autoriser par une ordonnance. Or la décision de la Commission n’est, de son côté, soumise qu’à un contrôle a posteriori devant le tribunal de l’Union européenne.

La Cour européenne des droits de l’homme estime que l’absence d’un tel contrôle judiciaire préalable peut être compensée par un contrôle ex post, dès lors que ce recours au juge est « effectif ». Or l’efficacité d’un tel contrôle devant le tribunal paraît désormais bien hypothétique.

En effet, les chances de remettre en cause la validité d’une inspection de la Commission sont devenues très faibles, voire inexistantes, au vu d’un arrêt récent du tribunal (arrêt Orange du 25 novembre 2014). Dans cette affaire, le tribunal a confirmé la validité d’une inspection de la Commission dans les locaux d’Orange, alors que la Commission avait, entre-temps, clôturé son investigation en concluant à l’absence de toute infraction et que toutes les conditions semblaient ainsi réunies pour que le tribunal annule la décision de la Commission.

En effet, l’Autorité française avait déjà enquêté sur les mêmes faits sans prononcer de sanction (l’entreprise ayant pris des engagements). Le tribunal regrette certes qu’avant ou à la place du « dawn raid », la Commission n’ait pas demandé communication de son dossier à l’Autorité française, mais il refuse d’y voir une illégalité. Pis, le tribunal n’a pas vérifié si la Commission disposait déjà d’indices sérieux permettant de suspecter une infraction, condition pourtant rappelée par un arrêt du tribunal du 14 novembre 2012. Le tribunal se contente, en l’espèce, de ce que le champ d’investigation de la Commission avait été défini avec « suffisamment de précision » dans sa décision.

Particulièrement protecteur des pouvoirs de la Commission, cet arrêt est aussi l’occasion de souligner la nécessité d’anticiper les risques réglementaires, au-delà des seules règles de concurrence, par la mise en place de programmes de compliance adaptés.

Anne Wachsmann
Avocat à la Cour, associé chez Linklaters

Paul Lignières
Avocat à la Cour, associé chez Linklaters
Expert du Club des juristes

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