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Insolvabilité

Nouveau Règlement européen sur les procédures d’insolvabilité : un difficile équilibre entre la recherche d’efficacité et la sécurité juridique

Douze ans après son entrée en vigueur, le Règlement européen n° 1346/2000 du 29 mai 2000 relatif aux procédures d’insolvabilité (JO n° L 160, 30 juin 2000 ; entré en vigueur le 31 mai 2002), qui a instauré un ensemble de règles de compétence juridictionnelle et législative, est sur le point d’être révisé. Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont abouti le 5 décembre dernier à un accord sur une nouvelle version, particulièrement attendue notamment quant au traitement des groupes puisque la question avait été totalement éludée en 2000.

Pour mémoire, le Règlement européen permet de déterminer le tribunal compétent pour ouvrir une procédure d’insolvabilité soumise, à quelques rares exceptions, à la loi du pays d’ouverture, et reconnue immédiatement dans l’ensemble de l’Union européenne, sauf au Danemark. Le critère retenu est celui du centre des intérêts principaux du débiteur, défini comme le lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par les tiers. Celui-ci est présumé être, jusqu’à preuve du contraire, le lieu du siège statutaire.

Le Règlement s’appliquant au niveau de chaque entité juridique, les praticiens se sont appuyés sur cette définition relativement imprécise pour regrouper devant une même juridiction les procédures d’insolvabilité ouvertes à l’encontre des différentes sociétés d’un même groupe.

Dès les premières applications, notamment dans les dossiers Daysitek ou Rover qui concernaient des sociétés françaises, certains ont reproché au Règlement de favoriser le forum shopping en permettant au débiteur de tirer avantage d’une interprétation large du centre des intérêts principaux et de la priorité donnée à la première procédure ouverte pour choisir la juridiction qui lui semblait la plus favorable. Certaines juridictions ont, de manière pragmatique, usé de cette relative souplesse en présence de groupes intégrés pour centraliser les procédures et permettre un traitement efficace à l’instar du Tribunal de commerce de Nanterre dans le dossier Emtec. Face à certains abus et dans le souci d’une plus grande prévisibilité pour les tiers, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) est venue progressivement renforcer la présomption au bénéfice du lieu du siège statutaire. La Cour a ainsi rappelé dans l’arrêt Eurofood, que cette présomption ne pouvait être renversée que sur le fondement d’éléments objectifs vérifiables par les tiers, puis dans l’arrêt Interedil qu’il s’agissait d’une présomption irréfragable « dans l’hypothèse où les organes de direction et de contrôle d’une société se trouvent au lieu de son siège statutaire et que les décisions de gestion y sont prises de manière vérifiable par les tiers », invitant les juridictions à considérer la situation du débiteur dans sa globalité.

C’est une solution de compromis guidée par la recherche d’un équilibre entre l’efficacité du traitement des difficultés d’un groupe et la sécurité juridique qui a été adoptée. Le Règlement révisé conserve le principe d’une application à chaque personne (morale) et renforce la présomption de localisation du centre des intérêts principaux au lieu du siège statutaire en reprenant la jurisprudence dégagée par la CJUE, réservant la centralisation des procédures aux seuls groupes intégrés. Il introduit également une définition du groupe, laquelle renvoie à un nouveau chapitre consacré aux règles de coopération et de communication entre juridictions et praticiens de l’insolvabilité saisis afin d’améliorer la coordination des procédures.

Soucieux de garantir une certaine prévisibilité juridique pour les tiers et de lutter contre le forum shopping abusif, le Règlement révisé invite le débiteur ayant transféré le centre de ses intérêts principaux à informer ses créanciers de ce changement et exige des juridictions une justification de leur décision sur la compétence pour favoriser le recours des tiers. Enfin, il prive d’effet la présomption au profit du lieu du siège statutaire en cas de changement dans les trois mois précédant la demande d’ouverture.

Si l’on peut se féliciter d’une reprise des bonnes pratiques instaurées par les professionnels, le maintien du seul critère du centre des intérêts principaux pour la centralisation de l’insolvabilité des groupes ne permettra pas de satisfaire en toutes hypothèses à la finalité du règlement d’un traitement efficace des procédures d’insolvabilité transfrontalières.

Céline Domenget-Morin
Avocat à la Cour, associée chez White & Case
Partenaire du Club des juristes

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