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Du bon usage du classement sans suite

Les classements sans suite de la plainte de Tristane Banon à l’encontre de Dominique Strauss-Kahn d’une part et de l’enquête sur les accusations de financements occultes faites par Robert Bourgi d’autre part n’ont pas manqué de susciter la critique. Ils ont été dénoncés comme des décisions hâtives rendues après des investigations insuffisantes. Aussi, certains ont-ils regretté que les parquets puissent s’abstenir de poursuivre les faits portés à leur connaissance alors qu’ils ne sont pas indépendants du pouvoir politique, ce qui peut peser sur leur décision.

C’est le principe de l’opportunité des poursuites qui donne au parquet le pouvoir de ne pas poursuivre les faits qui lui sont révélés. L’article 40 du Code de procédure pénale autorise le procureur de la République à « classer sans suite la procédure ». Les motifs de ce pouvoir sont connus. Ils tiennent à l’impossibilité de poursuivre l’ensemble des infractions pénales et à l’inopportunité sociale de certaines poursuites. Cela ne doit donc pas être un pouvoir arbitraire abandonné à la discrétion des procureurs ou inspiré par l’autorité politique. Les conditions et limites qui y sont posées sont conjointement destinées à en garantir le bon usage.

Absence de preuve

Le Code de procédure pénale subordonne la décision de classement sans suite à des « circonstances particulières liées à la commission des faits ». Il les définit comme des raisons juridiques ou d’opportunité. Il est en effet possible que l’examen même rapide des faits révèle un obstacle juridique qui en empêche la poursuite. C’est ce motif qui a été utilisé pour justifier les classements sans suite dans les affaires Banon et Bourgi. Le parquet a fait valoir la prescription dans la première et l’absence de preuve dans la seconde. Les raisons d’opportunité s’observent lorsque la faute commise apparaît vénielle ou quand les faits relèvent d’une délinquance qui a perdu ce caractère. C’est le motif qui a permis de cesser de poursuivre les chèques sans provision avant qu’ils ne soient dépénalisés. Dans tous les cas, un classement sans suite ne doit pas être une décision infondée.

Il n’est certes pas possible d’exclure que le parquet commette une erreur d’analyse ou d’appréciation. Certains sont mêmes prompts à envisager que ses décisions puissent lui être commandées par le pouvoir politique. C’est la raison pour laquelle le procureur doit indiquer au plaignant les motifs de sa décision. Celui-ci est donc en mesure de juger de son bien-fondé.

Contrepartie

C’est cette information qui a permis à l’avocat de Madame Banon de communiquer sur le fait que le parquet reconnaissait que sa cliente avait été victime d’une infraction. Le Code de procédure pénale permet aussi aux victimes de passer outre le classement sans suite par une citation directe devant le tribunal correctionnel ou par un dépôt de plainte avec constitution de partie civile, ce qui saisit un juge d’instruction. C’est la contrepartie du principe de l’opportunité des poursuites qui tend à protéger contre son mauvais usage. C’était le droit de Madame Banon et c’est parce qu’elle en a décidé autrement que les poursuites se sont arrêtées.

Cette situation n’est pas celle de l’affaire Bourgi puisqu’aucune victime ne s’est plainte. Aussi pourrait-on craindre que le classement sans suite soit, dans cette hypothèse, sans recours. La Cour de cassation a pris acte de ce risque pour admettre les plaintes avec constitution de partie civile des associations de lutte contre la corruption. Le classement sans suite n’est donc pas, là aussi, sans limite.

Didier Rebut

Didier Rebut

Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas et Directeur de l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris
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