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Convention judiciaire d’intérêt public

La convention judiciaire d’intérêt public au service du budget de l’État

Les médias ont largement fait état de la validation par le Président du TGI de Paris de la première convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Il faut dire qu’ils en ont été dument informés par un communiqué de presse du Parquet National Financier (PNF), lequel l’a même relayé sur son compte twitter pour lui donner la plus grande publicité. Celui-ci y a mis en avant l’engagement d’une banque de payer une amende de 300 millions d’euros dans le cadre de poursuites à son encontre du chef de blanchiment de fraude fiscale. Il précise aussi que ce paiement mettra fin à ces mêmes poursuites et que la banque a, conformément au dispositif de la CJIP, reconnu les faits et accepté leur qualification légale.

On s’explique que le PNF ait entendu communiquer sur cette première CJIP après qu’il a semble-t-il beaucoup plaidé sinon œuvré pour que cette procédure soit applicable au blanchiment de fraude fiscale. Rappelons que cette application a été rajoutée par amendement de la Commission des lois en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Le législateur a en fait profité de la création de la CJIP pour la corruption par la loi Sapin 2 pour doter le parquet d’un pouvoir de transaction dans le domaine du blanchiment de fraude fiscale. Il n’était pas fortuit que des poursuites de ce chef fussent alors pendantes au PNF. Ces considérations ont eu raison de la cohérence de la loi dont le champ d’application a ainsi été étendu des infractions de corruption au blanchiment de fraude fiscale alors même qu’il n’y a pas de lien nécessaire entre eux.

C’est évidemment pour attester de l’utilité et de l’efficacité de cette nouvelle procédure que le PNF a communiqué sur la première CJIP validée sous son égide. Il entend vraisemblablement répondre à ses détracteurs en pointant le montant de la somme que la banque concernée s’est engagée à payer. Il a même précisé sur twitter qu’il s’agissait de la plus importante amende pénale prononcée en France. Cela n’a cependant pas désarmé les opposants à la CJIP, lesquels ont judicieusement mis le montant de cette amende en balance avec la somme de 1,6 milliards d’euros que les faits de blanchiment de fraude fiscale reprochés à la banque en cause auraient permis de soustraire à l’impôt. Il est vrai que des poursuites classiques ne garantissaient nullement le recouvrement de cette somme, ce que le PNF a précisément répondu.

On peut comprendre, dans tous les cas, que le PNF se réjouisse de cette première CJIP au regard du montant de cette amende. Mais on peut être au mieux circonspect quand il souligne, selon les termes mêmes de son communiqué de presse, qu’elle « abondera le budget général de l’État français ». Les amendes pénales sont certes payées au Trésor public. Mais il ne s’agit pas pour autant de ressources budgétaires. Leur objet n’est pas en effet de contribuer aux recettes de l’État mais de sanctionner des individus pour les infractions qu’ils ont commises. La mission du Ministère public n’est pas davantage de collecter des sommes destinées à abonder le budget de l’État mais de poursuivre des infractions ou, à tout le moins, de veiller au respect de la loi pénale. Or, le communiqué de presse du PNF ne comprend aucune mention sur la gravité de des faits, sur l’exemplarité particulière de l’amende prononcée ou sur l’abandon de ses pratiques illicites par l’établissement concerné. Il en ressort l’impression que le PNF serait principalement motivé par le souci de participer au redressement financier de la France, ce qui ne correspond ni à sa mission ni à ses compétences. On pourrait en outre craindre qu’il puisse y avoir, à l’occasion, une certaine incompatibilité entre ce souci et la mission de poursuite des infractions dévolue au parquet. On pourrait s’interroger, sur ce point, sur le rappel dans le communiqué de presse du non-lieu rendu au profit de la maison-mère de la banque condamnée alors qu’elle n’est pas concernée par la CJIP. Nul doute que certains s’interrogeront même sur ce non-lieu.

Il est piquant, par ailleurs, que ce souci du PNF de contribuer au budget de l’État s’exprime au moment où les syndicats de magistrat réclament la pleine indépendance du parquet vis-à-vis du pouvoir exécutif devant le Conseil constitutionnel. Car cette préoccupation et l’action qu’elle suppose apparaissent assez éloignées de cet esprit d’indépendance que les magistrats du parquet mettent continument en avant pour justifier que leur statut évolue en ce sens.

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Didier Rebut

Didier Rebut

Professeur de Droit à l’Université Paris II Panthéon-Assas et Directeur de l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris
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