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Quel contrôle européen des investissements étrangers ?

Les préoccupations suscitées par la multiplication des acquisitions dans des secteurs stratégiques par des entreprises non européennes, notamment chinoises, ont conduit la Commission à proposer, en septembre 2017, un règlement destiné à établir un cadre pour le filtrage des investissements directs étrangers dans l’UE. Cette proposition apparaît toutefois modeste, si bien que l’on peut s’interroger sur la réelle volonté de la Commission à renforcer le contrôle de ces transactions.

Si la proposition impose certaines exigences quant aux mécanismes de contrôle nationaux (prévisibilité, transparence, voies de recours) qui existent déjà dans la jurisprudence relative à la libre circulation des capitaux, elle n’impose aucunement l’instauration d’un tel dispositif de filtrage aux États membres qui en sont dépourvus. Le texte met en place un mécanisme facilitant la coopération entre les États membres et la Commission et investit aussi celle-ci d’un pouvoir d’examen des investissements susceptibles de porter atteinte à des projets ou programmes présentant un intérêt pour l’UE. Cependant, le dispositif reste souple et les avis que peut émettre la Commission n’ont pas de valeur obligatoire pour les États membres. D’ailleurs, comment pourraient-ils être suivis par ceux qui n’ont pas mis en place de mécanisme de filtrage ?

Deux autres éléments témoignent de la frilosité de la Commission. L’article 4 du texte indique qu’il peut être tenu compte du fait que l’investisseur étranger bénéficie « d’un important appui financier » d’un pays tiers afin de caractériser une éventuelle atteinte à la sécurité ou l’ordre public. La Commission n’a toutefois pas souhaité instaurer une discipline permettant de réguler le subventionnement de ces acquisitions transnationales, alors que cela est interdit aux États-membres dans le contexte intra-européen compte tenu des règles relatives aux aides d’État. Aussi, la proposition fait l’impasse sur la délicate question de l’absence de réciprocité comme critère de refus qui constitue pourtant une préoccupation majeure. La Commission du commerce international du Parlement européen a d’ailleurs dans son projet de rapport publié le 13 mars 2018 intégré une proposition d’amendement soulignant qu’il doit être tenu compte du « niveau d’ouverture du secteur dans le pays d’origine de l’investisseur étranger » et de la situation où il n’y a « ni réciprocité, ni règles du jeu équitables ». Nul doute que ces questions seront au cœur des débats législatifs qui ne font que commencer.

Régis Bismuth

Professeur de droit, Ecole de droit de Sciences Po
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