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Altice et SFR à l’amende pour « gun jumping »

L’Autorité de la concurrence réaffirme la nécessaire indépendance d’entreprises qui se rapprochent tant que l’opération n’a pas eu son feu vert.

L’Autorité a sanctionné Altice Luxembourg (Numericable) et SFR Group d’une amende record de 80 millions d’euros, après transaction. Cette décision, inédite en France et en Europe, met en garde les entreprises sur le comportement à adopter durant la phase transitoire avant autorisation et rappelle à l’ordre tous ceux tentés de « brûler » les étapes.

En effet, si une opération tombe dans le champ d’application des règles sur le contrôle des concentrations, l’effet suspensif impose aux parties qu’elles continuent de se comporter comme deux entités économiques indépendantes dès lors que l’opération peut toujours être interdite par une autorité ou abandonnée par les entreprises. Il en va donc de l’effectivité même du contrôle exercé par l’Autorité en la matière.

Or, l’enjeu pour les entreprises est de taille, l’amende prononcée par l’Autorité pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires en France réalisé par l’ensemble des parties à l’opération (10% devant la Commission européenne).

En l’espèce, l’Autorité a reproché au groupe Altice d’avoir délibérément anticipé la réalisation de deux opérations, relatives au rachat par Numericable tant de SFR que d’OTL (« gun-jumping »).

L’Autorité a ainsi considéré que le groupe Altice avait acquis une influence déterminante sur ses cibles avant autorisation par le biais d’une ingérence répréhensible de Numericable dans certaines décisions stratégiques concernant SFR. Tel fut notamment le cas lors du renouvellement d’un contrat avec Canal Plus, de la signature d’un avenant contractuel sur la mutualisation du réseau mobile avec Bouygues Telecom, ou encore de la participation de SFR à un appel d’offres. En outre, l’Autorité a relevé que les entreprises avaient, tout au long de la période suspensive, échangé des informations commercialement sensibles, pratique pouvant être appréhendée tant sous l’angle du « gun jumping » que des ententes anticoncurrentielles, dès lors que les entreprises étaient toujours concurrentes.

L’accumulation des pratiques a certainement joué un rôle dans la sévérité de l’Autorité à l’égard du groupe Altice. Mais à l’heure où l’importance d’aller de l’avant se fait de plus en plus sentir pour les entreprises, cette décision n’en demeure pas moins un rappel à faire preuve de retenue au cours de la période suspensive, notamment dans le processus de pré-intégration, où la frontière entre ce qui est permis ou non, telle la nomination d’un futur dirigeant, peut être difficile à déterminer.

Une attention particulière doit donc être portée par les entreprises dans le cadre de leurs opérations : la sanction ne s’arrête en effet pas avec l’amende de l’Autorité puisque des concurrents s’estimant lésés par la mise en œuvre anticipée d’une opération pourraient réclamer une indemnisation.

Mélanie Thill-Tayara

Mélanie Thill-Tayara

Avocat à la Cour, Dechert
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