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Rapport de la Commission Environnement

1. L’état actuel du droit 

Deux grands régimes généraux permettent aujourd’hui de fonder l’engagement de la responsabilité environnementale:

la loi du 1er août 2008 sur la responsabilité environnementale (LRE), qui repose sur l’intervention du préfet ;

le droit commun de la responsabilité civile, devant les juridictions judiciaires.

Or, aucun de ces régimes n’est satisfaisant. Depuis 2008, la loi sur la responsabilité environnementale n’a quasiment donné lieu à aucun cas d’application. Quant au droit civil de la responsabilité environnementale, il souffre de nombreuses ambiguïtés qu’une jurisprudence dispersée peut difficilement lever.

Toutefois, à ce jour, depuis trois ans, quasiment aucun cas d’application de la LRE n’a été recensé. Cet échec relatif de la LRE – au moins au regard des attentes qu’elle avait suscitées – résulte notamment de son champ d’application limité : elle est réservée aux seuls dommages les plus graves, et uniquement pour certaines catégories d’atteintes. La plupart des atteintes à l’environnement échappent ainsi, en réalité, au régime institué par la loi sur la responsabilité environnementale.

Dans l’immense majorité des cas, c’est donc sur le fondement du droit civil, et  devant les juridictions judiciaires, que la responsabilité environnementale est aujourd’hui mise en cause. La plupart des actions en réparation de dommages environnementaux sont portées soit devant le juge civil, soit devant le juge pénal par des parties civiles – ce qui est le cas des affaires les plus médiatiques, d’AZF à l’Erika. Le fondement juridique de l’action se trouve alors le plus souvent dans les régimes traditionnels de responsabilité, pour faute ou sans faute, prévus aux articles 1382 et suivants du code civil ou, parfois, dans la théorie jurisprudentielle des troubles anormaux du voisinage.

Or, à ce jour, l’article 1382 du code civil n’évoque que les dommages causés « à autrui », et l’analyse de la jurisprudence souligne l’inadaptation du droit civil, en l’état, à la problématique de la responsabilité environnementale. Les juridictions adoptent des solutions diverses, contradictoires, voire incohérentes, et ce, sur l’ensemble des questions posées : celle du fondement juridique de la réparation, celle des parties recevables à demander réparation, celle de la nature du préjudice réparable, ou encore celle des modalités de la réparation. En effet, on se heurte ici à un principe traditionnel du droit civil : l’exigence du caractère personnel du dommage.

Enfin, la Charte de l’environnement de 2004 pose dans son article 4 un principe clair : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dom- mages qu’elle cause à l’environnement […] ». Et la Charte ajoute « […] dans les conditions définies par la loi ». A ce stade, force est de constater qu’elles ne l’ont pas été.

2. Le point de départ : le caractère non personnel du dommage environnemental

En matière environnementale, trois catégories de dommages ont à ce stade été identifiées :

  • des dommages matériels, corporels ou moraux, qui sont des préjudices subis directement par des sujets de droit clairement identifiés, personnes physiques ou morales, et dont la réparation, qui relève du droit civil, ne présente aucune difficulté juridique ;
  • des dommages objectifs qui affectent directement la nature et elle seule (disparition d’une espèce suite à la pollution d’une rivière, atteintes à la biodiversité…) ;
  • des dommages subis collectivement, les « préjudices subis collectifs », qui sont des dommages portés à l’homme de façon indirecte et collective, à travers une atteinte aux « services écologiques » rendus aux êtres humains par la nature.

S’agissant des deux derniers types, et particulièrement du second, leur réparation se heurte alors frontalement au principe traditionnel du droit civil, selon lequel le dommage doit avoir un caractère personnel. Cette condition commande notamment la recevabilité de l’action en justice : une victime ne peut pas se prévaloir d’un dommage qui ne lui serait pas personnel.

On note en effet plusieurs difficultés concrètes :

  • sur le plan procédural : qui est alors habilité à engager l’action en justice en réparation du dommage environnemental ? Les associations, les communes, les voisins, l’Etat… ?
  • si on admettait l’action, qui serait alors titulaire de la créance, du droit mis en cause par l’atteinte à l’environnement ?
  • et comment réparer ? Le dommage est bien souvent difficilement évaluable, et surtout indemniser une association, une collectivité suffit-il à réparer le dommage ?
  • et surtout, la question essentielle : quel est le fondement juridique même de l’obligation de réparation ? Au nom de quel texte, de quelle règle juridique précise le responsable d’une atteinte à l’environnement serait-il obligé de la réparer ? En l’absence de victime identifiable, en l’absence de réparation, certains finissent par contester l’existence même de cette obligation.

Afin de répondre à ces enjeux, la Commission Environnement du Club des Juristes, présidée par Yann Aguila, a élaboré une série de propositions très concrètes visant à permettre non seulement l’action en justice et la réparation environnementale.

 

Retrouvez le rapport « Mieux réparer le dommage environnemental » ci-dessous

Président :

Yann AGUILA, Avocat, Membre du Club des juristes

 

Membres :

Frédérique AGOSTINI, Conseiller référendaire à la Cour de cassation

Alexandre FARO, Avocat, Cabinet Faro & Gozlan

Laurent FONBAUSTIER, Professeur à l’Université Paris XI-Sud

Arnaud GOSSEMENT, Avocat, Cabinet Huglo Lepage et Associés

Delphine HEDARY, Maître des requêtes, rapporteur public au Conseil d’Etat

Christian HUGLO, Avocat, Cabinet Huglo Lepage et Associés, Expert du Club des juristes

Pascale KROMAREK, Juriste déléguée à l’environnement chez Total

Gilles J. MARTIN, Professeur à l’Université de Nice Sophia-Antipoli

Christine MAUGUË, Conseiller d'Etat, Président de sous-section au Conseil d'Etat

Laurent NEYRET, Maître de conférences à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Yvan RAZAFINDRATANDRA, Avocat, Cabinet Adamas Avocats Associés

Vincent REBEYROL, Professeur de droit à l’EM Lyon Business School, avocat à la Cour

Patrick THIEFFRY, Avocat, Cabinet Thieffry & Associés

François-Guy TREBULLE, Professeur à l’université Paris V, René Descartes

 

Secrétaire de Commission :

Marie NICOLAS, Assistante de justice au Conseil d'Etat, Secrétaire de la Commission Environnement du Club des juristes

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